Les catholiques et certains protestants commémoreront la Pentecôte les 19 et 20 mai, alors que pour les orthodoxes qui se conforment au calendrier julien, cela se fera le 23 juin. Cette célébration traditionnelle réunit les adeptes pour se remémorer « la descente de l’Esprit saint » sur les disciples, qui représente en fonction des différentes traditions chrétiennes, la naissance de « l’Eglise ».
Quelle signification porte ce nom ? En territoire français, l’utilisation de ce terme au singulier (avec une majuscule) est souvent limitée à un sens unique. « Le catholicisme a une influence historique et culturelle si important que l’on réfère couramment à « l’Eglise » sans besoin spécifier « catholique », comme si elle était la unique église légitime ! », exprime Jean Baubérot, sociologue et historien. Cela est bien illustré par la gestion des la plupart « églises » (bâtiments de culte) par l’Eglise romaine seule. Toutefois, la définition du mot « Eglise » renferme une variété de communautés qui dépasse même le cadre religieux chrétien.
En effet, initialement, l’ecclésia représentait un rassemblement de citoyens dans diverses cités de l’Antiquité grecque. Dans la Septante, première traduction de la Bible hébraïque en grecque (IIIᵉ et IIᵉ siècles av. J.-C.), le mot est parfois utilisé pour désigner l’hébreu « qahal », qui désignait un groupe réuni pour la liturgie ou un événement. Les premières utilisations du terme dans des textes chrétiens renvoient à des rassemblements locaux de croyants, comme dans le cas de la communauté de Thessalonique mentionnée dans une lettre de l’apôtre Paul (I Thess. 1, 1).
Ce terme a donc une double connotation d’origine biblique et politique.
Dans des écrits ultérieurs adressés aux Colossiens et aux Ephésiens, Paul utilise cependant le terme « église » dans un sens beaucoup plus large. Comme l’explique le théologien Luc Forestier dans le Dictionnaire critique de l’église (PUF, 2023), le terme église devient alors dissocié de tout lieu spécifique, mais continue de faire référence au Christ au travers de la comparaison corporalisée [l’église en tant que corps du Christ, constituée des disciples]. Ce débat repose sur la tension entre unité et diversité, car les communautés chrétiennes sont intrinsèquement dispersées à travers l’histoire et la géographie, tout en s’efforçant d’être perçues comme « corps du Christ ». On observe donc dès le début du christianisme « un accent sur l’unicité de l’église que l’expérience contredit ».
Les interprètes se demandent encore pourquoi les chrétiens ont préféré ce terme à d’autres expressions telles que « fraternité », « chemin » ou « synagogue ». Était-ce pour maintenir une cohérence avec les cités grecques ? Ou pour se différencier du judaïsme ? « L’élément crucial est probablement la double connotation biblique et politique du terme « ecclésia », qui pourrait justifier son adoption », suggère Luc Forestier.
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