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Renégociation risquée des contrats sénégalais d’hydrocarbures

La proposition du nouveau président sénégalais de réviser les contrats d’exploration de minéraux, de pétrole et de gaz pour favoriser davantage les communautés locales est perçue comme une mesure « risquée » susceptible de dissuader l’investissement et d’instaurer une ambiguïté dans les futures relations avec les entreprises concernées, selon les intervenants du secteur.
Le Sénégal, dont l’exploitation des hydrocarbures est prévue pour commencer cette année, possède également des mines d’or, de phosphates et de zircon. D’après Petrosen, la compagnie pétrolière nationale, le produit combiné des deux principaux gisements de gaz et de pétrole pourrait générer annuellement environ 700 milliards de francs CFA (plus d’un milliard d’euros) sur une durée de trente ans.
Dans l’espoir de booster son économie, le Sénégal, l’un des vingt-cinq pays les moins avancés au niveau mondial, mise sur ces ressources. Toutefois, les nouvelles autorités estiment que les contrats signés par le précédent gouvernement sont « très défavorables » pour le pays – une affirmation que l’ancienne administration et la plupart des experts du secteur ont à chaque fois rejetée.
Bassirou Diomaye Faye, le nouveau président élu, a décidé de renégocier ces contrats et a annoncé comme l’une de ses premières démarches un « examen du secteur minier, gazier et pétrolier ». Son conseiller principal, Ousmane Sonko, qu’il a nommé premier ministre, a critiqué pendant sa campagne « certains intellectuels complexés » qui prétendent qu’il est impossible de renégocier ces contrats.
« La sacralité des contrats »/

Le groupe énergétique australien, Woodside Energy, qui est actif dans le domaine pétrolier de Sangomar (Centre-ouest), souligne l’importance du respect des dirigeants d’Etat pour définir les contextes légaux et réglementaires de l’expédition du pétrole et du gaz, déclare à l’AFP, Christine Forster, le porte-parole de la compagnie. Cependant, à son avis, les Etats qui collaborent avec l’industrie, respectent l’intégrité des contrats et garantissent la certitude en matière d’investissement obtiennent les meilleurs résultats.
L’ancien Président Macky Sall (2012-2024) a aussi opiné que même si les contrats peuvent être améliorés, il est toutefois inconcevable de modifier les contrats déjà conclus avec les entreprises. D’après lui, ce serait catastrophique pour le Sénégal. C’était lors d’une interview le 19 mars avec le groupe financier américain Bloomberg. Selon l’ancien gouvernement, jusqu’à 60% des revenus de l’exploitation future du gaz et du pétrole bénéficieraient à l’Etat sénégalais.
Ibrahima Bachir Dramé, un expert pétrolier et ancien responsable de Petrosen, note qu’il n’y a pas de dispositions précises qui prévoient des renégociations dans les contrats pétroliers. Toutefois, il existe des clauses qui gèrent les futurs litiges.
En mentionnant le gisement de gaz naturel Grand Tortue Ahmeyim (GTA), qui se trouve à la frontière avec la Mauritanie, et est exploité par BP de Grande-Bretagne avec la compagnie américaine Kosmos Energy, la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH), et Petrosen, dont le commencement de l’exploitation est prévu pour la fin de l’année, il met en évidence les restrictions inhérentes à la renégociation. Il précise qu’il est impératif de tenir compte de la partie mauritanienne.
« La menace des risques »

Des renégociations sont plus faciles à réaliser pour des réservoirs moins développés, comme le gisement de gaz Yakaar-Teranga, car ils n’ont pas encore reçu de gros investissements, selon M. Dramé. Toutefois, le spécialiste en développement industriel et économiste international, Papa Demba Thiam, fait valoir que la renégociation est courante dans le monde entier pour les contrats miniers et pétroliers. Il cite l’exemple de l’Amérique latine et des Caraïbes où, d’après lui, entre 40% et 92% des contrats sont renégociés dans les huit années qui suivent leur signature.

Thiam soulève la critique que les menaces de perte de confiance des investisseurs sont souvent utilisées contre les pays en développement pour les dissuader de renégocier. Au Sénégal, la constitution stipule que les ressources naturelles appartiennent au peuple et doivent lui être bénéfiques. Thiam soutient que, compte tenu de la pandémie de Covid-19 et du conflit en Ukraine, toutes les conditions sont réunies pour que les contrats soient renégociés. Cependant, ces renégociations doivent être bien planifiées pour éviter des pénalités élevées, et M. Dramé rappelle que les compagnies pétrolières peuvent saisir les tribunaux internationaux en cas de litige.

Une source du Fonds monétaire international (FMI) a informé l’AFP que les autorités sénégalaises avaient promis de respecter leurs engagements internationaux. Elles cherchent à vérifier que les contrats signés respectent les codes miniers et pétroliers du pays, et ne considèrent pas cela comme une chasse aux sorcières.

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