« Permettez-moi de discuter pendant quarante minutes, le temps nécessaire pour m’éloigner du front. » C’est la mi-août, et la nuit est tombée sur le Donbass. Dmytro Melnyk met en marche sa voiture et allume le haut-parleur de son téléphone portable. Il est temps pour le commandant d’infanterie de quitter son poste à Tchassiv Yar, où l’armée ukrainienne livre une bataille implacable contre les Russes depuis plusieurs mois. Tandis qu’il roule sur les trajets ruraux de l’Ukraine orientale, un ballon de volley-ball jaillit de son sac kaki de voyage. C’est son ballon d’entraînement.
Il s’apprête, avec un autre soldat, Yevgen Korinets, pour représenter l’Ukraine en volley assis aux Jeux Paralympiques de Paris. Sur les 140 athlètes originaires de Kiev, ils sont les seuls deux de l’armée ukrainienne.
Au passage d’un checkpoint, il commente : « Entendez-vous l’ambulance ? Il y a un homme blessé à l’intérieur, et moi, je suis sur le point de partir pour un match de volley-ball. » Il est difficile pour cet ancien propriétaire de restaurant de 45 ans de concilier ses deux réalités. « J’étais mal à l’aise à l’idée de révéler à mon peloton la raison pour laquelle je devais me rendre à Paris. » Suite à une chute à dix-huit ans, sa jambe gauche est de huit centimètres plus courte que la droite, ce qui l’a poussé à s’essayer au volley assis. En 2008, il fonde l’ONG Equal Opportunities pour soutenir l’intégration sociale des personnes handicapées. Lorsque la guerre du Donbass éclate en 2014, cette mission prend un tour différent: « Nous avons aidé de nombreux ex-soldats ukrainiens après leur retour du front. »
« J’ai cette obligation de me surpasser. »
Dmytro Melnyk estime qu’il est temps pour lui de mettre l’uniforme alors que l’invasion russe de 2022 commence. Malgré deux refus au centre de recrutement de sa ville d’origine, Dnipro, en raison de son handicap, il réussit finalement à rejoindre l’armée après avoir dû tromper lors de son troisième entretien. Il sourit avec une certaine ironie lorsqu’il évoque comment il a été blessé à la jambe gauche par un obus russe en août 2023. Mais peu importe combien de fois il tombe, il se relève toujours.
Lors de ses deuxièmes Jeux à Paris, après ceux de Rio en 2016, il aura une pensée pour ses « pobratymy » (ce qui signifie « frères d’armes » en ukrainien), sa femme et ses deux filles âgées de 13 et 18 ans. Il affirme que depuis 2022, le drapeau ukrainien représente une icône pour lui, et il ressent un important devoir de se surpasser pour ceux qu’il aime et pour son pays.
Dans son appartement situé en plein cœur de Jytomyr, à environ 850 km à l’ouest de Tchassiv Yar, Yevgen Korinets se prépare également, le 15 août, pour un voyage vers Paris. Sa garde-robe, qui renferme des vêtements de sport bleus et jaunes, abrite également son uniforme militaire, soigneusement conservé à titre de rappel de ses jours passés en tant qu’aide-soignant militaire. Néanmoins, avant de revêtir cet uniforme, le natif de Sébastopol, actuellement annexée par la Russie, occupait le poste de kinésithérapeute spécialisé dans le traitement des enfants handicapés. Malheureusement, il n’a réussi à s’épanouir dans ce rôle que pendant une très courte durée, précisément deux ans, jusqu’au 24 février 2022. Yevgen mentionne rapidement que Jytomyr est assez proche de la frontière biélorusse et que des mesures devaient être prises en conséquence. À cette époque, il s’est rapidement inscrit au centre de recrutement militaire, en notant que de nombreux hommes étaient prêts à prendre les armes.
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