La boccia est un sport qui ne trouve pas son équivalent chez les personnes valides. C’est une combinaison subtile de la pétanque et du curling avec une forte composante stratégique, un peu à la manière des échecs, comme le souligne Marie-Pierre Leblanc, responsable de la performance de l’équipe française. Pour remporter une victoire, une anticipation stratégique est nécessaire.
Le jeu, dont le nom « boccia » vient de l’italien signifiant « boule », trouve ses racines dans la période gréco-romaine. Aujourd’hui, il est pratiqué sur un terrain de 12,5 mètres sur 6 mètres par des athlètes en fauteuil roulant, dont la mobilité ou les fonctions cérébrales sont touchées par un handicap.
Dans ce jeu, chaque joueur commence chaque tour avec six balles, rouges ou bleues, et l’objectif est de les faire rouler le plus près possible d’une balle blanche appelée « jack », un analogue du cochonnet en pétanque. Chaque balle du même couleur la plus proche du « jack » gagne un point. Le vainqueur est celui qui accumule le plus de points.
Marie-Pierre Leblanc explique aussi qu’il y a une stratégie dans le choix des balles en cuir, qui peuvent être plus ou moins dures. Un bon joueur doit réussir à marquer des points tout en se défendant. Ce jeu demande aussi une grande endurance et une concentration soutenue : une partie par équipes peut durer jusqu’à une heure et demie, près de la moitié pour un match individuel.
Le cerveau, constamment mis à l’épreuve, joue un rôle central.
La boccia, un sport qui a fait son apparition aux Jeux paralympiques de 1984 organisés à New York et à Stoke Mandeville en Angleterre, compte une foule de 3600 adeptes en France, parmi lesquels 700 font partie de compétitions. C’est avec fierté que la délégation française aux jeux de Paris inclus cinq athlètes, classés dans quatre groupes distincts. Parmi eux, on compte Sonia Heckel, 35 ans, de la catégorie BC3 – celle des handicaps les plus sévères. Florent Brachet sera à ses côtés en tant qu’assistant, lui offrant un soutien quotidien.
Titrée championne d’Europe en 2023 à Rotterdam aux Pays-Bas dans la catégorie individuelle et actuellement la numéro un à l’échelle mondiale, Sonia a découvert le monde du sport adapté à la fin de ses études secondaires. Depuis sa naissance, elle vit avec une maladie génétique : la myopathie des ceintures, qui se manifeste par une faiblesse musculaire progressive touchant le bassin et les épaules. « J’ai été capable de marcher jusqu’à 12 ans », raconte-t-elle. « Je suis en fauteuil électrique, car je ne peux utiliser mes bras. Le jeu de boccia me donne l’opportunité de quitter ma maison tout en ayant une activité stimulante et me permet de tisser des liens sociaux. J’aime son aspect stratégique; le cerveau est toujours en éveil. »
Les règles stipulent que seul l’athlète a le droit de jeter sa balle. Certains lancent celle-ci en fixant une baguette sur leur front et en hochant la tête devant la rampe, eux que l’on appelle « licornes ». Cependant, Sonia Heckel choisi de mettre sa baguette dans la bouche. « La balle est placée sur un support et je la lance en la poussant avec ma baguette », décrit-elle. « C’est en fait un swatter à mouche coupé à son extrémité. Si la balle est levée, j’utilise une canne de pêche quelque peu modifiée… »
L’assistant ne peut intervenir ni communiquer durant le jeu avant que la manche ne soit terminée, sous risque de sanction. « Je dois, avant chaque tir, donner des instructions à Florent [Brachet] sur la direction et la vitesse souhaitées pour la balle, et c’est lui qui les met en action », raconte Sonia Heckel. « Il agit en tant que mes mains. »
Destin bifurqué
Sonia Heckel a abandonné son rôle de secrétaire comptable pour se consacrer pleinement à son sport. Elle passe six heures par semaine à s’entraîner, sans compter l’entraînement mental et l’analyse de ses parties. Son ambition ? Remporter une médaille olympique: « Nous sommes seize qualifiés pour les jeux. Une véritable bataille en perspective ! »
En équipe, le défi s’annonce colossal. « La participation de la France aux compétitions internationales ne date que de 2009», souligne Marie-Pierre Leblanc. « Nous sommes les outsiders face à des équipes de Corée du Sud, de Thaïlande ou de Hong Kong ». Samuel Pacheco, le coach de l’équipe française, a concocté une stratégie en deux étapes : « On commence par sortir des phases de groupe puis on vise une médaille ».
A la tête de cette ensemble se trouve Aurélie Aubert, 27 ans, souffrant d’une infirmité motrice cérébrale depuis sa naissance. C’est Marie-Pierre Leblanc qui l’a initiée à la boccia. Elle joue seule mais est aidée par Claudine Llop, 66 ans, qui a pour mission « de manœuvrer son fauteuil et de suivre fidèlement ses directives ».
Dans son anticipation de l’événement mondial à venir, cette « battante », comme elle se qualifie elle-même, ne ressent aucune appréhension. « Aurélie possède un leadership naturel, selon Samuel Pacheco. Lorsque son équipe se décourage, elle excelle à trouver les bons mots pour les stimuler et les guider vers le succès. »
Dans le processus de préparation pour les Jeux, l’équipe française s’est entraînée dans un environnement bruyant afin de simuler les conditions qu’ils rencontreront du 29 août au 5 septembre à l’Arena Paris Sud, localisé au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. « J’apprécie l’atmosphère vibrante et le bruit, bien que cela nécessite une concentration accrue, affirme Aurélie Aubert. En outre, jouer devant nos proches nous apportera une motivation supplémentaire. »
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