Les quatre compétiteurs impliqués dans la course se sont violemment affrontés sur l’eau. Les bateaux en plastique ont souvent subi de fortes pressions lors du parcours descendu. Il est à noter qu’une embarcation de carbone, similaire à celles utilisées pour les épreuves d’athlétisme comme le slalom et le sprint, aurait terminé dans une mauvaise condition. Les compétiteurs ont dû lutter tout au long de la course contre des obstacles gonflés, agissant comme des portes que les participants peuvent pousser à l’aide de leur casque, de leurs mains, ou de leur pagaie. Pour ces raisons, le kayak cross est très apprécié dans les pays où le rugby est populaire.
Les résultats des finales qui se sont déroulées le lundi 5 août, sur le cours d’eau de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne) en sont la preuve. Du côté des femmes, l’Australienne Noemie Fox, petite soeur de la double championne olympique de slalom (canoë et kayak), Jessica Fox, a remporté la victoire. Elle était suivie de près par la Française Angèle Hug et la Britannique Kimberley Woods. Chez les hommes, le Néo-Zélandais Finn Butcher a décroché le titre, tandis que l’argent est allé au Britannique Joseph Clarke. Et même s’il y a toujours des exceptions à la règle, c’est l’Allemand Noah Hegge qui a remporté la médaille de bronze.
En parlant de son expérience, la dernière survivante de l’équipe de France qui avait encore quatre opportunités de gagner des médailles lors des quarts de finale (incluant Angèle Hug, Camille Prigent, Titouan Castryck et Boris Neveu), elle utilisait une métaphore de rugby après son podium: «Je reçois beaucoup de coups sur les épaules, dans le dos, j’ai mal un peu partout, comme un joueur de rugby, mais je n’ai pas de regrets, parce que c’est du plaisir à la pratique et en compétition. » Un bonheur que partageaient environ 12 000 spectateurs dans les gradins, beaucoup d’entre eux découvrant pour la première fois ce sport spectaculaire qui se présentait pour la première fois au programme olympique.
« Tout peut arriver »
En demi-finales, la jeune femme originaire de l’Ardèche a réussi à renverser une situation qui semblait perdue, parvenant à surpasser à la huitième et dernière porte du parcours, la compétitrice brésilienne qui la devançait. Après un mauvais départ en finale, elle a utilisé ses talents d’attaquante pour rattraper progressivement le peloton, soutenue par un public qui l’a soutenue. «J’étais à un moment quatrième, mais je ne me suis jamais dit, c’est fini. C’est ce qui fait le charme du cross, tout peut arriver jusqu’au dernier moment», a expliqué la kayakiste de 24 ans.
« Tout le monde comprend le langage de cette discipline aujourd’hui », se réjouit Frédéric Rebeyrol, entraîneur national à la Fédération française de canoë-kayak (FFCK), en charge du kayak cross. Le cross, c’est un mélange d’émotions, un concentré de rebondissements. »
Au-delà des exploits individuels, dont un athlète qui a brillé avec une cinquième position aux Championnats du Monde 2023 et le titre de vice-championne du monde U23, « cette médaille d’argent symbolise les efforts collectifs, toute une vision centrée sur le kayak cross, » souligne le coach. Cette discipline relativement récente, apparue pour la première fois lors des Championnats du Monde à Pau en 2017, est pour l’heure minoritaire.
« Belle discipline », confirme également Boris Neveu, amèrement amer d’une faute tardive qui l’a privé de la finale. « Je suis convaincu que cela apporte quelque chose à l’ensemble du kayak. En voyant l’engouement du public pour ce sport, on ne peut que progresser. »
Un vent de changement
Camille Prigent, éliminée dès les quarts de finale, assombrie par un poids supérieur à celui de son vaisseau de 18 kg (deux fois plus lourd qu’un bateau de slalom), a néanmoins partagé ses perspectives sur ce sport. « Je craignais autrefois les confrontations sur l’eau, aujourd’hui je m’exprime de mieux en mieux, » confie la jeune Bretonne, vice-championne du monde 2023 de cette discipline. « Nous avons adhéré au jeu et nous commençons à tous en profiter. Il faut constamment s’adapter, c’est pourquoi c’est difficile aujourd’hui, car les situations changent, mais cela rend ce sport amusant. »
C’est là, l’autre triomphe du kayak cross en France. Moins visible qu’une médaille scintillante attachée au cou d’un athlète, mais sûrement plus durable. L’équipe de France et son staff ont réussi à solidifier la place du kayak cross dans l’environnement hautement compétitif du sport.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs défis ont dû être relevés : attribuer des fonds, former une équipe autour d’un leader de projet, Frédéric Rebeyrol, et développer un navire, le Paname, qui a depuis été adopté par les deux tiers des pays participant aux Jeux. Il a également fallu convaincre le milieu du kayak, dont la première réaction a été de critiquer cette discipline qui s’éloigne des principes de base du slalom.
Le cross représente presque une révolution culturelle, comme le souligne le directeur technique national, Ludovic Royé : « Nous passons d’une course chronométrée à une course contre les autres, un sport de confrontation et de contact physique où l’information doit être recueillie instantanément. »
Avec trois podiums à leur actif, les Français, qui sont rentrés les mains vides des Jeux de Tokyo en 2021, sont actuellement classés deuxièmes au classement des nations, derrière l’Australie, à la fin des épreuves de slalom et de cross. À partir du mardi 6 août, les kayakistes et céistes s’adapteront à l’autre bassin du stade nautique de Vaires-sur-Marne, dans une eau calme cette fois. Le début des épreuves de course en ligne. Ils ne s’agira plus cette fois de se battre contre les autres concurrents.
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