« Sofiane Oumiha se montre prudent avec ses paroles, sachant que Tony est à proximité! » Avec un air taquin, il fait cette remarque après sa victoire aux demi-finales de moins de 63.5 kg, ce dimanche 4 août dans l’immense salle convertie en ring de boxe du parc des expositions de Paris Nord-Villepinte.
Il avait précédemment félicité de façon joviale Billal Bennama, qui a également triomphé lors de sa demi-finale dans la catégorie inférieure de 51 kg, par un simple « Hé, champion ! ».
Le Tony en question, se tenant près des deux boxeurs encore marqués par les trois rounds intenses sur le ring, est en fait Tony Yoka, le champion des Jeux Olympiques de Rio en 2016, venu soutenir ses amis et représenter l’esprit d’équipe du sport.
Avec leur succès, la boxe française retrouve le sourire, bénéficiant du trio de Oumiha, Bennama et Djamili-Dini Aboudou qui confirment leurs places sur le podium. Les finales d’Oumiha et de Bennama se dérouleront respectivement mercredi 7 et jeudi 8 dans la soirée et Djamili-Dini Aboudou disputera sa demi-finale au-dessus de 92 kg, soit le même mercredi. En boxe olympique, un boxeur en demi-finale est assuré d’une médaille, au moins de bronze, et d’un autre métal s’il atteint la finale.
L’équipe française et son staff ont parcouru un long chemin. « À Rio, nous étions le premier sport olympique français, juste devant le judo, ayant glané six médailles dont deux en or, puis nous sommes passés à aucune médaille à Tokyo [en 2021], rappelle Tony Yoka. Mais depuis, tout le monde a réussi à se rassembler, l’équipe fédérale a été modifiée et a travaillé dur pour atteindre ce résultat. »
Les deux prétendants au titre n’envisagent pas de mettre un terme à leur élan. « Mon objectif est d’accomplir quelque chose de grand durant ces jeux. Je crois faire partie des boxeurs les plus doués de France, et avec Billal ensemble, nous espérons marquer l’histoire », déclare ouvertement Sofiane Oumiha, 29 ans, triple champion mondial, qui poursuit ce titre olympique qui lui a échappé de justesse en 2016, étant vaincu en finale par le Brésilien Robson Conceiçao.
Oumiha dit : « Roland-Garros, je suis impatient de voir le résultat final ».
« Je désire obtenir cette médaille d’or, pour Toulouse, pour mon club à Blagnac [Haute-Garonne], pour tout le peuple français », assène le vice-champion du monde des moins de 51 kg, deux ans plus jeune que lui. Les deux amis, partageant le même hébergement au village olympique, fixent maintenant leur regard sur le stade de Roland-Garros, où les finales auront lieu. « Les supporters français nous ont soutenus depuis le début. L’Arena Paris Nord pouvait contenir 6 000 personnes, à Roland-Garros, elle pourra en contenir 15 000. Nous sommes habitués à la sérénité du tennis, j’attends avec impatience de voir ce que cela va donner avec la boxe », se réjouit Sofiane Oumiha.
Djamili-Dini Aboudou sera également sur le terrain, sur le ring le 7 août et peut-être en finale trois jours plus tard. « Il n’avait pas réussi à se qualifier pour les Jeux de Tokyo », rappelle Tony Yoka. « Personne ne l’attendait ici, mais il a la possibilité d’atteindre la finale, il a une excellente stratégie, et surtout, c’est un super boxeur ». Le porte-drapeau des super-lourds a déjà réussi à respecter le contrat fixé par la Fédération française de boxe (FFB) : trois à quatre médailles parmi les huit qualifiés pour les Jeux.
Il y a la satisfaction du côté masculin pour le directeur technique national, Mehdi Nichane, même si la compétition n’est pas encore terminée. Cependant, il exprime une certaine déception du côté des Boxeuses. Nichane rappelle qu’il y a deux ans, le bilan des championnats d’Europe étaient décevant pour les françaises avec cinq défaites initiales parmi les cinq engagées. Depuis lors, le groupe a été revitalisé et les boxeuses ont effectué une formidable campagne de qualification pour les Jeux Olympiques avec quatre représentantes dont Estelle Mossely, l’une des médaillées d’or de 2016.
Suite à l’exploit de Rio, la France a connu un désastre à Tokyo. Trois mois avant les Jeux au Japon, il n’y avait ni DTN ni président à la fédération, et l’équipe française a totalement manqué l’occasion olympique. Ce qui a suivi a été un temps de reconstruction, basée sur un projet soutenu par la nouvelle direction de la FFB.
« Dominique Nato [président de la FFB] est celui qui m’a repéré étant cadet, et j’étais coaché par Mehdi Nichane en junior. Ces hommes ont une véritable connaissance de leur sport, j’étais convaincu qu’ils étaient destinés à réussir, » explique Tony Yoka.
Le succès de l’équipe fédérale élue en 2021 ne provient pas d’une recette révolutionnaire, mais plutôt d’un discours renouvelé qui implique plus les athlètes et tient compte de leurs particularités. Certains des boxeurs sont parents, d’autres sont jeunes, tandis que d’autres ont déjà vécu plusieurs expériences olympiques.
Le groupe d’entraîneurs a connu une rénovation, à l’exception de Luis Mariano Gonzalez, un Cubain dont l’expertise a été maintenue pour fournir aux « Bleus » la synchronisation, la coordination et le sens du mouvement dont ils manquent parfois, selon ses déclarations. Le personnel de gestion s’appuie davantage sur l’unité d’amélioration du rendement, basée à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). Cet institut possède des équipements (des capteurs, de la télémétrie, des techniques de réalité virtuelle, etc.) qui permettent d’analyser les performances des athlètes français, ainsi que celles de leurs rivaux.
Le directeur technique national admet qu’il a dû changer sa stratégie en cours de route. « Pour des athlètes plus expérimentés comme Sofiane, le fait de travailler à distance grâce à son propre groupe d’entraînement et parfois son propre personnel médical est efficace, tandis que les plus jeunes nécessitent d’être constamment au sein de l’infrastructure fédérale », explique-t-il. A un an et demi des Jeux, nous avons finalement ramené tout le monde à notre centre national, une décision qui s’est avérée judicieuse.
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