Hors des terrains d’escrime, l’épéiste français Romain Cannone est souvent plongé dans ses pensées, son regard perdu dans l’inconnu ou sur quelque chose qui demeure à lui seul connu. Il pense possiblement à ce qu’il compte ajouter à son journal, cet ouvrage qui ne le quitte jamais et qu’il commente après chaque match et chaque session d’entrainement. Peut-être pense-t-il également à sa routine quotidienne, ses rituels pré-événement, ses exercices de yoga, son régime alimentaire, ses fruits secs et ses bananes – « et un peu de Nutella pour se faire plaisir », bien sûr. Et bien entendu, à son épée. Il se concentre intensément sur cette dernière avant chaque grande compétition, et cela est amplifié avant les Jeux Olympiques, où il est entré le dimanche 28 juillet en qualité de champion en titre de l’épreuve individuelle d’épée.
En 2021, Romain Cannone devait être seulement le remplaçant pour les JO de Tokyo, jusqu’à ce que la fédération française ait dû mettre de côté un titulaire, contrôlé positif à une substance interdite. Le remplaçant de dernière minute n’était alors absolument pas considéré comme un possible candidat pour le titre olympique. Le jeune homme, né à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ayant grandi au Brésil et à New York, où il a pour la première fois découvert l’escrime à l’âge de 12 ans, était encore à une humble 47e place au classement mondial de sa discipline. Pas assez haut pour envisager un futur couronné d’or.
À Tokyo, le jeune athlète a su profiter de son temps, pratiquer son art, et surprendre tout le monde – jusqu’à remporter le titre. « Je suis heureux du prestige que j’apporte à l’escrime, un sport où même si je suis plus petit, je peux surpasser les plus grands », dit-il. Actuellement classé 5e mondial, ce membre barbu de l’équipe française est prêt pour son premier duel au Grand Palais : lui, qui fait 1,77 m, se mesurera à l’expérimenté Jiri Beran de la République tchèque (1,92 m, 52e mondial) lors de son premier combat au Grand Palais. « Je vais maintenir ma propension à prendre des risques, c’est dans ma nature », a-t-il prévenu.
« Il est fort, celui-là! »
Tout a commencé à Tokyo avec un choix courageux. « J’ai opté pour une lame d’entraînement », raconte le champion olympique actuel. Une intuition victorieuse, certainement pas un coup de hasard. Comme tous les escrimeurs du monde, Romain Cannone, 27 ans, s’appuie sur son « instinct » pour choisir la lame ultime. « Le joyau », comme le dit Alexandre Bardenet. Pour cet autre épéiste, non sélectionné pour Paris 2024, la lame parfaite doit être « extrêmement bien équilibrée, capable de plier sur le dernier tiers, voire plus loin ». Romain Cannone, quant à lui, les aime « plus flexibles ».
Peu de temps avant l’ouverture des jeux olympiques, deux athlètes français ont visité personnellement l’entreprise Blaise Frères pour choisir leurs équipements. Cette entreprise, basée au Chambon-Feugerolles (Loire), non loin de Saint-Etienne, utilise un mélange de machines hypermodernes et d’appareils démodés. Originellement une vieille forge familiale, Blaise Frères a été fondée dans la région stéphanoise en 1885 et compte 25 employés. Ses premières productions étaient des outils agricoles, puis des cannes à pêche à partir des années 1960, avant de faire place aux lames de fleuret et d’épée. Cette transition a été suggérée par leur fabrication des cannes d’acier au carbone. Daniel Cheynet, le propriétaire actuel qui a repris l’entreprise familiale en 2011, en parle avec fierté. Ce changement de cap fut une grande réussite, car la plupart des escrimeurs qui participent au tournoi au Grand Palais sont des clients de Blaise Frères.
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