L’équipe de réfugiés qui participera aux Jeux Olympiques de Paris 2024 est composée de trente-sept personnes, représentant onze nationalités différentes. Ils se regroupent sous la bannière blanche aux cinq anneaux du Comité international olympique, avec Masomah Ali Zada, une réfugiée afghane en France depuis 2017 et ancienne participante au cyclisme des JO de Tokyo 2021, en tant que chef de mission. Ali Zada, âgée de 28 ans, également membre de la commission des athlètes du Comité international olympique, voit cette équipe comme une source d’inspiration pour les 100 millions de réfugiés dans le monde, déclarant dans une entrevue au Monde qu’elle est « un exemple d’espoir ».
Dans son rôle de chef de mission, Ali Zada ne se considère pas comme le dirigeant d’une entreprise donnant des ordres. Au lieu de cela, elle se voit comme une figure de soutien et d’aide pour les athlètes, veillant à savoir s’ils sont bien, s’ils ont des besoins spécifiques, et ce qui pourrait être amélioré au sein de l’équipe. Une partie de son rôle vise à créer une atmosphère amicale et un sentiment de camaraderie parmi les athlètes, malgré leurs nouvelles connaissances.
Pour aider ceux qui peuvent encore être aux prises avec des circonstances difficiles, un psychologue fait partie de l’équipe pour s’assurer que les athlètes ne sont pas épuisés physiquement ou mentalement. Ensemble, ils partagent leurs expériences, discutent de leurs parcours et des défis rencontrés, quelque chose qu’Ali Zada trouve bénéfique, tant pour ceux qui parlent que pour ceux qui écoutent. Elle partage également son histoire, y compris son voyage de l’Afghanistan à la France et sa route vers les Jeux olympiques.
Est-ce décevant de ne pas concourir pour son pays lors des Jeux Olympiques ?
Pas vraiment. Au départ, avant de m’engager à Tokyo, j’ai ressenti un certain chagrin, mais plus tard, après avoir pris conscience de l’importance de cette équipe [de réfugiés] ainsi que le message qu’elle véhicule, j’étais extrêmement fière. Il est important de noter que je représente toutes les femmes afghanes et simultanément l’ensemble de la communauté des réfugiés, qui compte plus de 100 millions de personnes à travers le monde. C’est colossal. Je suis plus utile au sein de cette équipe précieuse que dans l’équipe de mon propre pays. Je suis convaincue que tous les athlètes réfugiés partagent cette perspective.
Anticipent-ils l’idée de participer aux Jeux Olympiques ?
Ils sont principalement impatients d’y participer, étant donné qu’ils s’entraînent depuis des années pour atteindre cet objectif. Il faut souligner que certains, tout comme moi à une certaine époque, croyaient que participer aux JO était un rêve inatteignable. Pour l’instant, ils ne sont pas excessivement anxieux. Nous verrons comment la compétition évoluera pour eux.
Quel est l’élément commun entre tous ces athlètes ?
Tous ont dû quitter leur pays sous contrainte, ils sont seuls depuis des années, loin de leurs proches, mais ils n’ont jamais capitulé, ils se sont toujours battus : ils ont résisté. Aujourd’hui, ils sont sélectionnés pour les Jeux Olympiques, c’est extraordinaire. La résilience, voilà leur histoire commune. On ne mesure pas assez l’incroyable force mentale dont ils font preuve. Bien sûr, c’est extrêmement difficile, mais ils conservent l’espoir de rentrer un jour dans leur pays pour retrouver les leurs.
D’où tirent-ils cette puissance ?
Vivant dans un pays aux prises avec des problèmes, parfois les options sont très limitées : soit tu fais avancer ta vie, soit tu risques de tout perdre. Ta famille a d’énormes attentes envers toi, et en même temps, tu dois redéfinir ta vie. Pour y parvenir, tu dois avoir la foi en la destinée et en Dieu tout en travaillant inlassablement. Un jour, les choses s’amélioreront. La majorité des réfugiés prospères ont choisi de persévérer coûte que coûte. Accepter son sort est nécessaire pour surmonter les épreuves.
Quand je partage mon vécu avec les Français, ils trouvent ma situation difficile. Un jour, mon entraîneur m’a invité chez lui et m’a montré une table qui appartenait à ses arrière-grands-parents. Tous ses meubles provenaient en fait de l’héritage familial. Moi, en tant qu’Afghan, j’ai dû déménager à plusieurs reprises et je ne possède aucun bien familial. Au bout du compte, je pense que ce serait agréable d’avoir une vie stable et des meubles qui évoquent des souvenirs de tes ancêtres.
Comment les autres réfugiés perçoivent-ils votre équipe ?
Les membres de notre équipe olympique, y compris les anciens que je représente, sont une source d’espoir pour les réfugiés qui, par exemple, vivent dans la rue ou qui ont des problèmes d’immigration. Nous sommes une inspiration pour beaucoup de personnes qui vivent des situations que nous avons connues. Certains me le disent, et il n’y a rien de plus gratifiant que d’entendre ça. Pour moi, cette équipe, qui inclut plusieurs nationalités, est un symbole d’unité et démontre à tout le monde que nous pouvons tous vivre ensemble pacifiquement.
En exil à Paris, la majorité des membres du Comité olympique afghan sélectionne six représentants athlétiques : trois hommes, comprenant un judoka, un nageur et un athlète, et trois femmes, soit une sprinteuse et deux cyclistes. Cependant, les talibans en charge ont annoncé qu’ils n’acceptent pas la participation des femmes athlètes. Qu’en est-il de votre opinion à ce sujet?
C’est déplorable à mon avis, néanmoins, je constate que les afghans sont solidaires avec tous leurs athlètes, ce qui compte le plus. C’est un moment de joie immense pour moi, car c’est une première dans l’histoire de notre pays : l’égalité des sexes est respectée. Je suis en quelque sorte amie avec les cyclistes, nous nous entrainions ensemble. Nous nous retrouverons à Paris.
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