La fête du Tour de France 2024 est presque terminée. On peut encore percevoir la chaleur résiduelle, mais le triomphe impressionnant de Tadej Pogacar en maillot jaune au Plateau de Beille (Ariège) le dimanche 14 juillet est déjà entrain de prendre sa place dans l’histoire comme un moment crucial de la Grande Boucle. Les performances record de Pogacar sont entachées d’incertitudes, de doutes et de tensions tant dans le peloton que dans son environnement immédiat. Elles stimulent une série de questions sans réponses, notamment une qui est la plus saillante, la plus cruelle : cette performance sportive est-elle pure ou est-elle le résultat de pratiques déloyales ou de dopage ?
L’atmosphère tendue pendant le Tour de France est un signe de son point de « bascule », avec une ambiance glaciale en plein juillet, des soupirs silencieux, des regards échangés et des sourires de déception ou de moquerie. Tout le monde comprend. C’était ce lourd silence qui régnait soudainement dimanche sur le Plateau de Beille. Plus précisément, cela s’est produit à 5.4 kilomètres de l’arrivée, alors que le Slovène de l’équipe UAE-Emirates avait distancé son rival Jonas Vingegaard de l’équipe Visma-Lease à Bike.
De loin, on ne peut percevoir la « bascule ». Certains spectateurs sont toujours submergés par l’excitation, tandis que les haut-parleurs de l’organisation célèbrent ce qui est considéré comme un prouesse. Cependant, se tenant derrière la banderole d’arrivée, le groupe des partisans reste figé. Cette zone est peuplée par les plus grands connaisseurs du domaine, les employés des équipes, les invités et les journalistes. Les écrans amplifient la pression nerveuse, entre la couverture télévisuelle fidèle de la course et les smartphones diffusant la colère des réseaux sociaux. Les coureurs apparaissent alors, les défaites du jour. Ils sont sollicités pour donner leur point de vue sur la performance douteuse. Leurs propos sont soigneusement choisis, parfois empreints de sous-entendus, de sarcasme et d’autodérision, car l’humour est devenu le nouveau dialecte du peloton. Un moment de retenue s’impose.
Tout le monde dans le monde du Tour de France n’est pas forcément persuadé d’avoir été témoin d’un spectacle truqué. Cependant, tous reconnaissent que l’événement est désormais divisé en deux, et l’atmosphère est irréversiblement empoisonnée jusqu’au dernier jour. Le monde du Tour avait conscience que ce moment arriverait, mais ignorait quand. Il prétend oublier d’une année sur l’autre mais, depuis le scandale Festina en 1998, chaque édition a un moment critique, certains plus marquants que d’autres, en raison de l’excessivité de la performance et la dégradation de l’atmosphère qui en découle. Le 13 juillet 1999 est gravé dans l’historique de l’événement. Le jour où Lance Armstrong a triomphé à Sestrières (Italie). Tout comme le 14 juillet 2015, marqué par le triomphe de Chris Froome à la Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), ou plus récemment, le 18 juillet 2023, avec le contre-la-montre de Jonas Vingegaard entre Passy et Combloux (Haute-Savoie).
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