Endolori et jaune, Romain Bardet s’est détaché du podium du Tour de France, portant avec lui une expression de satisfaction temporaire. L’écuyer français de l’équipe DSM a avoué qu’à son âge, on ne cessait jamais de rêver. Avec une pointe de mélancolie qui semble sans cesse le hanter, il a ajouté un certain réalisme. Bardet, âgé de 33 ans, a été le premier à revêtir le maillot jaune du Tour de France 2024 après sa victoire d’étape le samedi 29 juin, entre Florence en Toscane et Rimini en Emilie-Romagne. Il a tempéré son langage et son émotion, préparé pour ce qui sera probablement sa dernière compétition, un évènement où il a toujours été révélé, transcendé, blessé, et perdu tout en créant une identité unique dans le cyclisme français.
La première étape de ce premier grand départ italien du Tour de France sera mémorable. Elle représente également un rêve réalisé au vu des images emblématiques qu’elle a créées et de son dénouement autrefois impensable. Dans le contexte du cyclisme moderne, il est presque inimaginable qu’un coureur non favori s’engage dans une montée à 50 kilomètres de l’arrivée, comme l’a été l’ascension de San Leo, et parvienne à repousser le peloton restant en utilisant chaque once de force de son corps.
Bardet a relevé le défi avec brillance. Dans un compte à rebours à couper le souffle, craignant d’être rattrapé à 500 mètres de la ligne d’arrivée, il a été soutenu par son seul compagnon, le jeune cycliste néerlandais Frank van den Broeck (qui partage son nom avec le champion belge disparu tragiquement, sans aucun lien de parenté), qui a permis au Français de franchir en premier la ligne d’arrivée, une expression d’incrédulité gravée sur son visage.
Romain Bardet réalise le rêve que beaucoup d’autres partagent. C’est l’ambition des fans impatients de voir l’avènement du cyclisme « romantique » – un terme souvent utilisé mais rarement explicité ou incarné. C’est également un rêve anticipé par les organisateurs du Tour de France, qui ont traversé un départ tumultueux près de l’hippodrome de Florence, où les fans ont franchi les barrières pour s’empresser sur le chemin de leurs idoles; ils ont été déçus par le manque d’intérêt du public à l’arrivée, qui a choisi de se détendre sur les plages privées de Rimini. Le Tour, qui a toujours montré une faveur particulière à Bardet, semble briller d’une nouvelle lumière avec lui en lice.
Mais comment Bardet ressent-il vraiment ce « rêve », étant désormais en maillot jaune ? À la question de savoir si cette étape pourrait être l’apogée de sa carrière, après deux positions sur le podium final du Tour de France (2016 et 2017), il a admis qu’il rêvait toujours, avant de se raviser. Il semblait peiner à tirer pleinement profit de cette épreuve qui lui avait inculqué l’amour du cyclisme sur les routes d’Auvergne durant sa jeunesse, de grimper le mont Ventoux avec son père, de rivaliser avec la légende un jour. C’est assez compréhensible, cette course, après dix participations, un maillot à pois et quatre victoires, a fini par lui être préjudiciable.
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