Lorsque René Gros-Dubois a créé le premier club d’escrime en Guadeloupe en 1968, il n’avait sûrement pas prédit que plus d’un demi-siècle plus tard, son île produirait 25% des escrimeurs français sélectionnés pour les Jeux de Paris. L’équipe olympique française, qui a participé aux championnats d’Europe d’escrime à Bâle (Suisse) jusqu’au 23 juin, comprend six participants de Guadeloupe, et possiblement Marie-Florence Candassamy, une épéiste née à Paris de parents de la Guadeloupe et de la Martinique.
Ce groupe d’escrimeurs de haut niveau n’est pas le résultat d’un phénomène spontané. Il est le produit de la passion et du travail acharné des entraîneurs qui ont introduit ce sport dans les Antilles, mais ils doivent aussi leur succès à une championne qui a pavé la voie pour les jeunes de la Guadeloupe. Tous citent Laura Flessel, double championne olympique d’escrime aux Jeux d’Atlanta de 1996 et ancienne ministre des sports sous la présidence d’Emmanuel Macron (2017-2018), comme source d’inspiration.
Un autre aspect qui lie ces escrimeurs est la difficulté de déménager en métropole pour intégrer des structures de haut niveau, une option qui n’existe pas dans les Antilles. Luidgi Midelton, devenu champion d’Europe d’escrime le 20 juin, est arrivé à l’académie France de Reims à 17 ans et rappelle combien la transition a été difficile. « Ce fut une époque très difficile », admet-il, « j’étais loin de ma famille, je devais m’adapter à un nouveau climat et je me sentais comme si j’avais perdu tous mes points de repère. »
Coraline Vitalis, membre de l’équipe féminine d’épée française et médaillée de bronze à Bâle, a passé son premier hiver en métropole, se confinant principalement à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) au bois de Vincennes à Paris. Elle ne sortait de sa chambre que pour assister à des sessions de rééducation suite à une chirurgie. Elle se rappelle avoir appelé ses parents deux fois par jour – une fois pour le déjeuner et une autre avant de se coucher.
Tout le monde ne peut pas surmonter ce sentiment de déracinement. Luidgi Midelton, son coéquipier, a pensé à rentrer chez lui, mais c’est sa force mentale qui l’a aidé à rester. Il se considère comme l’un des rares athlètes ultramarins de son groupe à avoir persisté.
Une autre star de l’équipe, Yannick Borel, champion du monde 2018, n’a pas ressenti ce sentiment de détresse. Son expérience n’était pas imposée, mais choisie. Sa détermination à réussir a été son moteur pour continuer et la présence de plusieurs ultramarins au sein de l’équipe de France a facilité les choses. Plusieurs athlètes se souviennent avoir passé du temps avec d’autres sportifs antillais ou avec leur famille vivant en métropole, ces moments étant comme une bouffée d’air qui les a aidés à surmonter le mal du pays.
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