Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan, experts en géopolitique sportive, occupent respectivement les postes de directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques et de professeur à Sciences Po Paris. Ils ont récemment écrit un ouvrage intitulé « La Guerre du sport. Une nouvelle géopolitique » qui a été publié par Tallandier (336 pages, à un prix de 20,90 euros).
Selon leur livre, le sport est une question géopolitique de plus en plus importante. Ils clarifient que la géopolitique sportive n’a pas débuté récemment, ni après la dissolution de l’Union soviétique. En fait, son origine peut être retracée jusqu’à l’Antiquité, lorsque les cités grecques se mesuraient par le biais des Jeux panhelléniques. C’est toutefois au XIXe siècle, en Grande-Bretagne que le sport tel que nous le connaissons voit le jour. Le rôle du sport en tant qu’outil géopolitique s’est accentué durant la guerre froide, où il était utilisé par les blocs soviétique et occidental.
Depuis la fin de l’Union Soviétique, le paysage a évolué. Nous constatons l’émergence de nouveaux acteurs tels que le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Chine, la Russie (successeur de l’Union Soviétique), l’Inde, le Maroc, et d’autres. L’équilibre de la géopolitique sportive est en train de changer. D’un monde du sport dominé par l’Occident, nous passons à un modèle multipolaire et moins occidental. Ils se réfèrent à une « nouvelle géopolitique » du sport, qui n’a jamais été aussi puissante qu’aujourd’hui. Cela est illustré par l’intérêt croissant de différentes parties à y prendre part.
Il convient de rappeler que c’est l’Union Soviétique qui a triomphé dans la guerre sportive, pas les Etats-Unis, si on examine objectivement les tableaux des médailles. La narration, d’autre part, a fréquemment été rédigée par les Américains. Mais ils n’ont pas remporté la victoire et leur succès est plutôt l’exception.
Vous soutenez que le sport est utilisé comme un outil diplomatique pour les nations. Pouvez-vous donner des exemples récents de cette diplomatie sportive ?
J.-B.G. Quand un pays accueille un événement sportif, il met en évidence ses relations internationales. Regardez le cas du Qatar et de l’Arabie Saoudite : trois ans avant la Coupe du Monde 2022 au Qatar, Riyad a essayé de destituer l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani. Qui a été reçu en tant qu’invité spécial lors du lancement de la Coupe du Monde? Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman. La détente entre les deux dirigeants a été mise en valeur. Un autre exemple serait celui de Xi Jinping et Vladimir Poutine. Lors des Jeux olympiques d’hiver 2022 à Pékin, la Russie a été suspendue suite à un scandale de dopage d’Etat. Pourtant, Poutine a été invité par le président chinois. C’est une façon pour Xi Jinping de proclamer : « C’est moi qui détermine l’ordre mondial ».
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