Le mercredi 29 mai, les pluies torrentielles ont inondé les terrains de Roland-Garros. Pendant ce temps, sur le Court Central, la championne en titre recevait une douche écossaise. Iga Swiatek, qui a assisté au (probable) dernier match de Rafael Nadal le lundi lors du premier tour, a failli imiter son idole en sortant prématurément. Elle a été chahutée au deuxième tour par la japonaise Naomi Osaka (7-6, 1-6, 7-5).
« Le match était beaucoup plus intense que ce que j’avais prévu pour un deuxième tour », a reconnu la joueuse polonaise dans son interview d’après-match. Elle en a profité pour reprocher au public parisien son attitude, sa voix tremblante trahissant sa tension.
« Je sais que nous jouons pour votre plaisir et que c’est grâce à vous que nous gagnons notre vie, mais parfois, avec toute cette pression, et vos encouragements pendant les échanges, c’est vraiment dur de rester focus », a-t-elle repris le public parisien. Le tout au lendemain du coup de colère de David Goffin contre les spectateurs de Roland-Garros qu’il considérait comme les plus offensants.
« D’ordinaire je ne mentionne pas ce genre de sujet (…), mais les enjeux sont importants, il y a beaucoup d’argent en jeu, et perdre quelques points peut faire une grosse différence », a continué Swiatek, cherchant ses mots pour ne pas offenser le public du Court Central. « J’espère que vous m’aimerez toujours, moi je vous aime toujours ! »
Après une pause de cinq mois pour donne naissance à son premier enfant en juillet 2023, Naomi Osaka a presque créé la première surprise de la quinzaine.
Swiatek a été littéralement mise à genoux…
Dès le début, l’ex-championne du monde fait preuve d’une résistance face à la leader actuelle du tournoi. Swiatek est contrainte de défendre une balle de set et finit par remporter le premier set lors du tie-break en 69 minutes. Andy Murray, télespectateur attentif, s’extasie du match : « Le duel Osaka-Swiatek est fantastique, la WTA a tout intérêt à mettre en avant ce type d’affrontement », tweete l’Ecossais, grand partisan du tennis féminin dans les vestiaires masculins.
Triple gagnante du tournoi (2020, 2022, 2023), Swiatek devient presque méconnaissable dans un deuxième set unilatéral : une première balle faible (48 %) et trois services perdus en vingt-six minutes. De son côté, Osaka retrouve le jeu agressif qui lui a valu quatre titres du Grand Chelem (Open d’Australie 2021, 2019 ; US Open 2020, 2019). Son service percutant couplé à des attaques fortes et décisives en coup droit déstabilise sa rivale (6-1). C’est la première fois que la Polonaise perd un set aussi impitoyablement depuis 2019 sur le terrain de terre battue parisien.
Osaka maintient son élan, prenant rapidement l’avantage (3-0) dans le dernier round. La 134e meilleure joueuse mondiale ne laisse rien au hasard et pousse son adversaire à l’erreur. Après avoir longtemps lutté avec cette surface, elle a utilisé sa grossesse comme une période d’étude intensive. « J’étais toujours en train de regarder les matchs d’Iga, avouait-elle à Madrid. Je ne cherche pas à être elle, je veux juste donner le meilleur de moi-même. »
Perturbée par l’impulsion audacieuse de l’athlète japonaise, Swiatek vacille tant dans le tableau des scores qu’à genoux sur le champ de jeu. Miraculeusement, elle résiste à une balle de 1-5, et après à une balle de match à 3-5, avant de puiser dans ses réservoirs de détermination pour remporter les cinq derniers jeux et renverser le jeu au plus profond du suspense.
« Parmi les meilleurs duels féminins de cette année. »
Balancée au sommet d’un précipice pendant près de trois heures, l’indétrônable première mondiale a gratté cette victoire de toutes ses forces mentales. Sa dernière défaite remonte au 20 avril (elle avait perdu en demi-finale du tournoi de Stuttgart), et elle a maintenant remporté seize victoires de rang sur le terrain argileux parisien. « C’était épuisant et un jeu de haut niveau. J’ai fait de mon mieux au troisième set, mais j’ai quand même réussi à sortir victorieuse, je suis fière de ne pas avoir abandonné, » a-t-elle partagé lors d’une conférence de presse. « J’ai essayé de rester plus attentive vers la fin du match, car tout était si intense. »
Le tennis féminin a été souvent rejeté pour son manque de stabilité ou son manque d’intérêt supposé. Cependant, ce duel a prouvé le contraire, faisant du tennis féminin le gagnant de cette confrontation choc entre les deux femmes, qui est donc le match du moment. « Un des meilleurs matchs féminins de cette année, si ce n’est LE meilleur, » s’est exclamé Patrick Mouratoglou, ex-coach de l’Américaine Serena Williams, sur X.
Malgré sa déception manifeste, Osaka a décrit le match comme étant très amusant, probablement le plus amusant qu’elle ait jamais joué. Même si ce n’était pas son meilleur match, elle a avoué avoir pleuré en quittant le terrain, mais elle reste optimiste. Osaka avait remarqué Iga remporter le tournoi l’année précédente lorsqu’elle était enceinte et rêvait de la défier. Elle a admis avoir joué Iga sur son meilleur terrain et exprimé son souhait de la défier sur son propre terrain, le dur. Osaka a également souligné qu’elle essaye de ne pas être trop sévère envers elle-même.
En opposition à son adversaire, Osaka n’a rien critiqué concernant le comportement du public du Central. Elle a trouvé les spectateurs fantastiques et pense qu’ils se sont amusés à les regarder jouer. Bien que cela n’ait posé aucun problème à Osaka, elle a admis qu’elle est habituée au public de New York. L’ancienne introvertie, désormais revenue sur le devant de la scène, a réagi avec humour à cette situation.