La sonorité nasillarde et juvénile de Britney Spears a soudainement retenti sur le court Philippe-Chatrier, suscitant les éveils matinaux. « Oh, baby, baby (…) donne moi un signe /Cogne moi, bébé, une fois de plus », ce sont les paroles que les nostalgiques ont pu retrouver lors de la soirée d’ouverture de Roland-Garros, le dimanche 26 mai.
L’événement a vu s’affronter deux géants, Stan Wawrinka et Andy Murray. Ils comptaient à eux deux 76 ans passés sur le court, un ancien numéro un mondial et un ex-Top 3. Tous deux triple vainqueurs des Grands Chelems, ils sont les seuls à avoir défié la domination du « Big 3 », soit Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic.
Cette confrontation, tant littéralement que figurativement crépusculaire, marque leur quatrième duel à Roland Garros. L’ancien vainqueur de 2015 a de nouveau donné une leçon au finaliste de 2016 : 6-4, 6-4, 6-2.
Il y a environ sept ou huit ans, ces deux joueurs s’affrontaient dans les demi-finales des Grands Chelems. Aujourd’hui, le Suisse (39 ans) et le Britannique (37 ans) se retrouvent plus souvent dès le premier tour.
Malgré les blessures et les multiples chirurgies, deux joueurs de tennis vétérans affaiblis persistent à parcourir le circuit, en dépit de leur historique médical. Depuis 2019, Murray, classé 75e mondial, se déplace avec une hanche en titane. En 2017, Wawrinka a subi deux opérations au genou gauche – une arthroscopie suivie d’une greffe d’os et de cartilage. Murray s’est présenté à la porte d’Auteuil, tout juste guéri d’une blessure à la cheville. Wawrinka, classé 97e, a dû se retirer de la dernière étape avant Roland-Garros à Rome, en raison d’un poignet droit douloureux.
Pendant deux heures et vingt minutes sous le ciel sombre du court Philippe-Chatrier, les spectateurs ont chaleureusement applaudi les deux joueurs, à l’exception de ceux qui étaient au box présidentiel (vide) ainsi que dans les loges, qui étaient temporairement abandonnées pendant que leurs occupants terminaient leur repas.
Vêtu d’un short et de chaussures coordonnés à la balle, « Stan the man » (comme le montre l’inscription sur ses étuis de raquettes), a démontré que son revers à une main n’est en aucun cas rouillé. Il a déployé tout son éventail de coups, allant des courts croisés aux longs frappes de la ligne, des balles rasant le sol aux missiles perçant le mur écossais.
Le plus âgé du vestiaire est arrivé sur la terre battue parisienne avec seulement trois victoires (contre neuf échecs) depuis le début de la saison, qui pourrait très bien être sa dernière, tout comme son adversaire du soir. Mais tous les deux ont décidé de prolonger leur tournée d’adieu et, entre deux défis (la deuxième division du tennis), de participer à un Grand Chelem. Une chance de savourer une dernière fois l’excitation d’une atmosphère de gala avant de se rendre au tournoi des légendes.
Sur le sol ocre de Paris, que le joueur britannique n’a jamais particulièrement apprécié, ses limites et erreurs deviennent plus manifestes. Lui qui adorait les rallyes prolongés, commence même à essayer des drop-shots pour raccourcir les échanges. En octobre 2020, lors d’un tournoi automnal (en raison de la pandémie de Covid-19), il avait été battu en trois petits sets par Wawrinka sur ce même court Philippe-Chatrier. Dimanche, il n’a pas pu s’imposer contre son adversaire et ami, comme en témoigne leur chaleureuse étreinte au filet.
« Nous nous affrontons depuis 15-20 ans, c’est très émotif, nous vieillissons, notre carrière approche de sa fin, alors nous essayons d’en profiter le plus possible, » confie le joueur suisse. « Je suis le plus âgé du tableau, mais je me sens toujours jeune à cœur, j’ai envie de continuer à jouer. »
Un dernier coup droit le long de la ligne confirme sa détermination à persister. « J’ai enchaîné des défaites décevantes cette saison. Ça a failli me décourager. Mais je n’ai jamais oublié pourquoi je joue au tennis. Ce n’est pas parce que je prends de l’âge que je n’éprouve pas la même joie à venir ici », confiait vendredi le dernier vainqueur du tournoi avec un revers à une main. Il est aussi le dernier à avoir remporté la Coupe des Mousquetaires vêtu d’un short qualifié de « horrible » par Federer, quelque part entre un pyjama et un motif… Écossais.
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