Caster Semenya, une athlète sud-africaine de 33 ans, a plaidé devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le mercredi 15 mai, espérant établir un précédent pour d’autres athlètes hyperandrogènes. Ces dernières sont souvent la cible de déshumanisation et de discrimination en raison de leur taux de testostérone élevé. Semenya a été obligée de faire un choix entre préserver son intégrité personnelle tout en étant écartée de la compétition, ou se soumettre à un traitement jugé thérapeutique mais inutile et dangereux, selon sa défense par Schona Jolly, son avocate. Celle-ci a insisté sur le fait que Semenya est une femme, l’ayant été attribuée à la naissance, tant légalement que scientifiquement.
Comme double championne olympique (2012, 2016) et aussi titulaire de trois titres de championne du monde (2009, 2011 et 2017) du 800 mètres, Semenya produit naturellement un haut pourcentage d’hormones mâles, connus sous le nom d’androgènes. Ces hormones ont la capacité d’augmenter la masse musculaire et d’améliorer les performances. World Athletics, l’organisme international d’athlétisme, exige depuis 2018 que les athlètes hyperandrogènes diminuent leur taux de testostérone par un traitement hormonal afin de participer à des compétitions internationales au sein de la catégorie féminine. Un requirement que Caster Semenya refuse, ce qui lui interdit de participer à sa course la plus performante. Une décision de la cour est attendue dans les mois à venir, et elle aura, selon Semenya, une « grand importance ».
Caster Semenya, connue du public depuis les mondiaux de 2009 à Berlin où elle avait gagné la médaille d’or du 800 mètres, a suscité beaucoup de controverse à cause de son apparence et voix masculine. Elle a été exclue de la compétition pendant près d’une année et soumise à des tests médicaux dont les conclusions sont demeurées confidentielles, jusqu’à ce qu’elle soit autorisée à courir de nouveau en juillet 2010.
Toutefois, en 2018, les règles de World Athletics ont évolué. Cette modification a été approuvée en 2019 par le Tribunal arbitral du sport (basé en Suisse). Ensuite, le Tribunal fédéral de Lausanne a souligné en 2020 que « l’équité des compétitions » était un « principe fondamental du sport ». Ils ont argumenté que un niveau de testostérone semblable à celui des hommes donne aux athlètes féminines « un avantage injuste ».
Les appels de Semenya contre ces décisions ont été renvoyés en 2019 et 2020. Cependant, elle a réussi à obtenir justice à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) le 11 juillet 2023. La CEDH a jugé que Semenya avait souffert de discrimination et d’une intrusion dans sa vie privée. Néanmoins, les autorités suisses, soutenues par World Athletics, ont fait appel à la Grande Chambre de la CEDH.
L’avocate de Semenya a souligné que sa cliente avait « perdu des années de carrière ». Elle a ajouté que le verdict de la Cour, qui sera définitif, « aura un effet significatif sur sa vie personnelle et professionnelle, ainsi que sur la dignité et la vie de nombreuses autres athlètes internationales », a déclaré Me Jolly.
« Je me bats non pas pour ma carrière, mais pour ce qui est juste, pour représenter ceux qui ne peuvent pas se battre pour eux-mêmes, » a déclaré Caster Semenya. Elle n’a pas participé à une course depuis mars 2023. Francine Niyonsaba, une autre athlète hyperandrogène du Burundi, âgée de 31 ans, était présente à l’audience. Bien que la décision de la CEDH en été 2023 fut un premier triomphe pour Caster Semenya, elle n’a pas annulé les règlements de World Athletics, qui sont devenus plus sévères en ce qui concerne les athlètes hyperandrogènes. À présent, ces athlètes doivent maintenir leur niveau de testostérone en dessous du seuil de 2,5 nanomoles par litre pendant 24 mois (au lieu de 5 nanomoles sur six mois) pour pouvoir participer à la compétition féminine, quelle que soit la distance.
Ce procès prolongé a occasionné une énorme facture pour Caster Semenya, qui a lancé un appel aux dons en février. »
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