« Changer intégralement pour maintenir la compétitivité. C’est sans doute le leitmotiv du championnat MotoGP, dont la cinquième manche de la saison 2024 aura lieu au Mans le dimanche 12 mars. Au début du mois d’avril, les dirigeants ont présenté une nouvelle réglementation technique qui sera mise en œuvre en 2027. « Nous visons à maintenir l’attrait du spectacle tout en renforçant la sécurité des pilotes », déclare Carmelo Ezpeleta, PDG de Dorna Sports depuis 1991, promoteur des compétitions de moto de haute vitesse, qui devrait rejoindre le groupe américain Liberty Media avant la fin de l’année (sous réserve de l’approbation des autorités de la concurrence européenne).
Pour atteindre ces objectifs, de nombreux changements seront mis en œuvre, qui vont bouleverser l’équilibre de forces entre les équipes. Tout comme en 2016, lors de la dernière grande révision, qui a contribué à réduire les disparités entre les concurrents, a facilité l’entrée d’un nouveau constructeur – le constructeur autrichien KTM – et a favorisé le développement de l’italien Aprilia. Un nouveau cycle se profile à l’horizon, car la nouvelle réglementation sera appliquée pour cinq ans, soit jusqu’en 2031.
« Cette réforme contribuera également à freiner l’augmentation des budgets et à préserver l’équité sportive », argumente Hervé Poncharal, directeur de l’équipe française GasGas-Tech 3 et président de l’International Road Racing Teams Association (IRTA), l’association des équipes participant au MotoGP.
« C’est plutôt le pilotage qui fera la différence ».
D’après deux années de pourparlers, un accord a finalement été conclu entre Dorna Sports, la FIM, les fabricants et les équipes participant au championnat. L’objectif de ce règlement est de faire un pas en arrière d’un point de vue technologique. Selon Mr. Poncharal, la principale préoccupation est la réduction de la vitesse des motos, qui a atteint un niveau exorbitant avec un record de 366,1 km/h. De nombreux pilotes ont exprimé que la puissance actuelle des motos challenge leurs limites physiques.
En conséquence, la capacité du moteur sera réduite de 1 000 à 850 cm³. Cela se traduira donc en moins de vitesse sur les lignes droites. De plus, au lieu des 22 litres de carburant autorisés à l’heure actuelle, avec un ratio de 40% non fossile, il ne sera dorénavant possible d’avoir que 20 litres de carburant, intégralement non fossile, pour la course.
L’amplitude des ailerons aérodynamiques, inventés par Ducati en 2015, sera également restreinte. Ces outils qui aident à garder les motos sur la route lors de l’accélération, ont été copiés rapidement par leurs rivaux et rendent les dépassements compliqués en raison des turbulences qu’ils créent. Les systèmes d’ajustements d’altitude, une autre innovation de la marque italienne, qui abaissent le centre de gravité du véhicule, seront totalement interdits à partir de 2027.
L’ancien pilote Régis Laconi soutient ces changements. Il estime que cela diminuera l’écart de performance entre les machines et mettra davantage l’accent sur le talent de pilotage, promettant ainsi un spectacle des plus excitants. Le concept des « concessions » sera préservé.
Un autre aspect crucial est que les données GPS des pilotes seront accessibles à toutes les équipes après chaque session. Cela vise à limiter la suprématie de Ducati, qui avec huit motos sur la ligne de départ, recueille plus d’informations que ses adversaires, lui permettant d’ajuster ses paramètres plus précisément.
L’un des buts non déclarés de cette modification est précisément de mettre fin à la suprématie du fabricant de Bologne pour revitaliser l’intérêt du championnat. Ducati a remporté les quatre dernières éditions dans la catégorie constructeurs et son leader, Francesco Bagnaia, a remporté les titres en 2022 et 2023. Avec trois victoires en quatre courses depuis le début de cette saison, l’entreprise italienne est bien positionnée pour continuer sur cette voie.
Pour les constructeurs japonais, Yamaha et Honda, qui sont bien en retard sur leurs concurrents européens (Ducati, ainsi qu’Aprilia et KTM), ce changement de règles pourrait être une occasion de revenir dans la compétition. « Tout le monde va devoir repartir de zéro », résume M. Laconi. Surtout que les « concessions » seront maintenues. Cela concerne les avantages accordés aux écuries les moins compétitives (sessions d’essai, moteurs et pneus supplémentaires…) pour favoriser la compétition.
Cette future réinitialisation pourrait encourager de nouveaux fabricants à s’impliquer dans le MotoGP, une priorité après le départ de Suzuki du Japon en 2022. Les responsables espèrent en particulier persuader le groupe allemand BMW de rejoindre la bataille.