Du jour au lendemain, l’océan a viré à un gris métallique, se fondant avec le ciel de plomb. Le Belem, avec son bois qui grince et ses cordes qui claquent, nécessite soudainement l’aide de toutes les mains disponibles. Le capitaine demande l’assistance de tous. Depuis le début de la traversée, le navire est resté vertical grâce à la clémence de la météo. Cependant, le trois-mâts a pris une inclinaison, faisant d’elle une silhouette penchée. La navigation, avec toutes les voiles déployées, oblige les passagers à marcher comme des crabes, à se faufiler le long des murs, et à se raccrocher à tout ce qui ne bouge pas pour maintenir leur équilibre.
Comme un acrobate en sandales, Kévin Gendarme, l’un des trois porteurs de la torche, essaie de garder sa lanterne en position verticale sous la première ondée du voyage. Du côté de la timonerie, à l’arrière du bateau, le capitaine Aymeric Gibet, coiffé d’une casquette, semble enchanté par ce souffle de vent qui signifie l’action. « Notre vitesse a triplé en dix minutes ! Nous nous penchons à 12° sur tribord, avec des vagues pas trop hautes, typique de la mer Méditerranée. »
Nous étions le 2 mai, il était 15 heures, et le navire, à 60 miles au large de Naples, se déplaçait à près de 8 nœuds. Après avoir progressé à un rythme d’escargot dans des paysages de technicolor, passant par les eaux turquoise du canal de Corinthe aux laves pourpres de Stromboli, et plus tard dans la nuit, apercevant Capri bleutée sous les étoiles. Le premier changement de bord du trajet a été prévu, afin d’éviter que le Belem ne s’approche trop dangereusement des côtes italiennes.
Le chili con carne est servi en fond sonore de Marvin Gaye.
Les frégates italiennes qui accompagnaient le navire à trois mâts durant sa traversée du détroit de Messine ont disparu, laissant seulement Le Seine, un remorqueur de la marine nationale à moins de 2 milles. L’équipage, maintenant vêtue de vêtements de pluie au lieu de t-shirts, se rassemble dans le salon principal pour recevoir les instructions du capitaine présentées d’une manière facile à comprendre. « Nous doutons faire demi-tour, ce qui signifie que nous devons ajuster toutes les voiles. Pour les trois prochains jours, nous alternerons entre la voile nord et le moteur », informe-t-il, tout en tenant une maquette du navire. Il annonce ensuite : « Ce soir, le quart de nuit n’est pas obligatoire. »
Les deux supporteurs enthousiastes de l’OM, Houari Belkouane et Yassine Nassah de Marseille, sont ravis. Cette situation leur offre l’opportunité de regarder intermittemment le match de leur équipe contre L’Atalanta Bergame en demi-finale aller de la Ligue Europa, soumis à la capricieuse connectivité Wi-Fi. Le matin, alors que la houle ne s’était pas encore formée, ils étaient comme la plupart de leurs collègues, ils grimpèrent dans la mâture pour vivre concrètement le travail des matelots. Il s’agit de l’un des moments les plus anticipés par les seize jeunes en transition, qui font partie du « relais de la flamme », renommé « relais de la flemme » par certains : la fatigue commence à se faire sentir après six jours de voyage.
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