En dégaine décontractée et vêtue d’une chemise bleue ciel, Sebastian Coe, âgé de 67 ans, a rencontré Le Monde à Monaco, à la mi-avril, au quartier général de World Athletics, la fédération internationale d’athlétisme, le joyau des Jeux olympiques, dont il est président depuis 2015. À l’entrée, un drapeau ukrainien portant une inscription au stylo : « Merci World Athletics ! Équipe Ukraine ». « Ils me l’ont donné lors des Mondiaux de Budapest en août 2023 », se rappelle le Britannique, qui a décidé d’exclure les athlètes russes des compétitions dans la discipline en février 2022, une décision qu’il a toujours maintenue. « Ce n’est pas une question de passeport ou de politique, mais d’intégrité du sport », souligne le double champion olympique du 1500m (1980 et 1984), qui a également été à la tête des Jeux de Londres en 2012 et a rejoint le Comité international olympique en 2020.
Votre carrière, en tant qu’athlète puis administrateur, a été marquée par des tensions récurrentes avec la Russie. En 1980, à Moscou, vous avez participé à vos premiers Jeux olympiques, malgré l’appel au boycott de Margaret Thatcher suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979. Que gardez-vous de cette expérience ?
Durant plusieurs mois, nous ne savions pas si nous allions pouvoir nous rendre à Moscou. Le Comité olympique britannique, qui était – et est toujours – financièrement indépendant du gouvernement, a déclaré : « Il appartient aux fédérations sportives de décider [d’aller ou non à Moscou] ». Participer à ces Jeux a été une expérience en soi, sans aucune aide du gouvernement. Il n’y avait ni hymne national, ni drapeau. Nous avons concouru en tant qu’équipe britannique, mais sans aucun protocole.
Pourquoi ai-je décidé de faire ce voyage ? Car la seule réaction du gouvernement britannique à l’invasion de l’Afghanistan s’est manifestée dans le domaine sportif. Aucun sacrifice n’a été demandé dans les domaines économique, culturel ou politique. Seuls les sportifs ont été sollicités. Je me rappelle que le ballet du Bolchoï a été convié à Londres, et dans la même semaine, British Petroleum, un groupe industriel britannique spécialisé dans les hydrocarbures, a conclu un accord avec la Russie. Je considère cela comme le comble de l’hypocrisie. Cela m’a fait prendre conscience de l’indifférence du gouvernement envers le sport. Il appréciait recevoir les champions à Downing Street, mais quand il s’agissait de soutenir véritablement le sport, personne n’était disponible.
Lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012 que vous avez organisés, la Russie a fini quatrième au rang des nations. Une quinzaine de médailles russes ont été confisquées après une réévaluation des échantillons antidopage. Diriez-vous aujourd’hui que la Russie a nui à l’image ou à l’héritage des Jeux de Londres ?
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