La Fédération française de rugby (FFR) a révélé le mardi 23 avril que le record de spectateurs pour un match de rugby féminin en France allait être dépassé. L’événement, qui a eu lieu le samedi 27 avril, a vu se dérouler le match entre la France et l’Angleterre dans le cadre de la cinquième et dernière journée du Tournoi des Six Nations. À la veille de l’événement, presque 27 000 tickets ont été vendus pour le Stade Chaban-Delmas à Bordeaux, en vue de la « finale » non officielle entre les deux dernières équipes invaincues.
Les joueuses françaises, qui essaient de remporter le tournoi depuis 2018, bénéficieront grandement de ce soutien. Cependant, les Red Roses d’Angleterre ne seront probablement pas trop intimidées. Elles ont vaincu les Françaises en 2023, et ont même gagné un cinquième Grand Chelem consécutif devant plus de 58 000 fans à Twickenham, Londres.
La ferveur des supporters anglais illustre bien l’avance qu’a le rugby féminin anglais sur les autres équipes internationales. Les joueuses anglaises ont une pléiade de distinctions à leur nom, dont deux titres mondiaux, 19 victoires lors du Tournoi des Six Nations (un record), et 12 victoires consécutives contre les Françaises. Ces dernières années, leur seule chute fut lorsque la Nouvelle-Zélande a remporté la finale de la Coupe du Monde en novembre 2022. Depuis lors, aucune équipe n’a réussi à ternir les Red Roses.
« Agathe Sochat, la talonneuse du XV féminin français, souligne la précision technique et la simplicité de ses homologues anglaises. Celles-ci exploitent parfaitement les erreurs de leurs adversaires tout en mettant en valeur leur solide ligne de trois-quarts, comme l’ont subi les Irlandaises après une défaite de 88-10 lors de leur dernière confrontation avec les Anglaises.
La superiorité des Roses Rouges est également attribuée à l’investissement et l’évolution du rugby féminin en Angleterre. En effet, la Fédération anglaise a injecté 3 millions d’euros dans leur championnat féminin sur une période de trois ans depuis 2017. De ce fait, leurs joueuses sont devenues semi-professionnelles, à part celles en équipe nationale qui se consacrent entièrement au rugby.
Au contraire, en France, le rugby féminin est encore en retrait. Bien que 32 joueuses françaises soient sous contrat avec la FFR et bénéficient d’un statut semi-professionnel, le reste du peloton doit jongler entre le rugby et leur travail. Le championnat Elite 1, la première division féminine, demeure amateur et manque de visibilité puisqu’il n’a pas de diffuseur attitré.
Agathe Sochat juge également le championnat français déséquilibré, les joueuses s’entraînant en soirée après leur travail de jour, ce qui pose problème pour leur vie sociale. Elle plaide pour une plus grande médiatisation de l’équipe de France, car les Anglaises ont repris une avance considérable. Elle déplore : « L’argent est le nerf de la guerre. » »
En Angleterre, l’excellent état du rugby attire les publicistes et crée un effet positif. Dès 2017, le championnat, appelé Premier 15s, a reçu le parrainage d’une célèbre marque de croustilles, qui a été remplacée après l’épidémie de Covid par une puissante compagnie d’assurance.
Malgré la domination de l’équipe de Gloucester-Hartpury cette saison avec 13 victoires en autant de rencontres, on retrouve des joueuses de très haut calibre dans plusieurs clubs. Le parfait exemple est Marlie Packer, troisième ligne des Saracens, qui a été reconnue comme la meilleure joueuse du monde en 2023. Ellie Kildunne, la femme du match contre l’Irlande, porte fièrement les couleurs des Harlequins. Cette distribution de talent favorise la multiplication des confrontations tout au long de l’année et prépare les joueuses pour les matchs internationaux.
L’équipe féminine d’Angleterre combine jeunesse et expérience
Cependant, les Anglaises ne se reposent pas uniquement sur quelques principales vedettes. Leur profondeur leur permet de s’adapter facilement en cas de blessures et de retraites. Comme l’expliquait Alexandra Chambon, demie de mêlée, lors d’une conférence de presse le 23 avril, il y a beaucoup de joueuses avec des qualités individuelles exceptionnelles en Angleterre, c’est ce qui fait leur force collective. Mais est-ce une mission insurmontable pour l’équipe française ? Emeline Gros, troisième ligne, soulignait qu’ils avaient identifié de petites opportunités dans leur jeu et voulaient se concentrer sur eux-mêmes pour obtenir des résultats.
Face à la confiance débridée des Red Roses, l’équipe de France présentera une combinaison de jeunes talents et de joueurs expérimentés. Sept des 23 joueuses tricolores sélectionnées pour le match ont moins de 24 ans. À 19 ans, Lina Tuy, la demi d’ouverture, ne disputera pas le match du samedi 27 avril mais se souviendra de ce face à face dans les ligues mineures. « Les coachs nous faisaient comprendre que ces confrontations sont des matchs distincts », explique-t-elle.
Peu importe l’historique des duels entre ces deux nations. « La majorité des joueuses n’étaient pas là en 2018 quand nous les avons vaincues et n’ont pas vécu toutes les défaites. Il y a eu beaucoup de changement », précise Agathe Sochat, assurant que l’équipe de France « ne se sentira pas inférieure », même si par le passé il y a peut-être eu ce qu’on pourrait appeler un plafond de verre. « Nous voulons nous mesurer à des équipes de ce calibre », ajoute Lina Tuy. « C’est une opportunité pour nous. »
C’est aussi une occasion de ne pas renforcer la confiance de la « perfide Albion », qui n’en manque certainement pas. Une défaite des Red Roses serait vue avec consternation de l’autre côté de la Manche, surtout avec la prochaine Coupe du Monde prévue pour 2025… en Angleterre.
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