Fatima Charkaoui a été incertaine lorsqu’elle a été contactée en janvier pour porter la flamme olympique le 26 juillet, quelques heures avant le début des Jeux. Elle avait entendu des chuchotements que son nom avait été suggéré, mais elle n’y avait pas prêté attention. Lorsqu’on l’a contactée pour confirmer sa disponibilité, elle a initialement refusé car elle avait déjà des engagements. Cependant, après avoir donné du temps à l’offre, elle a réalisé l’importance de ce geste et a revu sa décision.
Fatima, championne de cross, était fière de faire partie des dernières personnes à porter la flamme dans son département de la Seine-Saine-Denis, avant l’inauguration des Jeux. Elle voyait cela comme une reconnaissance de son parcours, ayant passé sa carrière en tant qu’athlète pour l’Association sportive de Pierrefitte-sur-Seine (AS Pierrefitte) et ayant toujours soutenu les jeunes de sa ville.
Elle partage que porter la flamme olympique est un grand honneur, car elle symbolise la paix et l’amitié entre les nations. Fatima pense que sa sélection était un moyen pour sa ville de la remercier pour son engagement. Pour elle, c’est une preuve que son travail et son dévouement pour sa ville et pour aider les autres doivent continuer.
Fatima Charkaoui, originaire du Maroc, a posé ses bagages à Pierrefitte-sur-Seine, en France, à l’âge tendre de 2 ans. Cinquième et dernière enfant de sa fratrie, c’est dans le quartier de Joncherolles, au sud de la ville, qu’elle a passé son enfance. Les voyages et excursions ne faisaient pas vraiment partie de leur quotidien, au lieu de cela, elle passait ses vacances à Sarcelles, chez ses cousines, ou à la piscine. Le simple fait de changer de ville était pour eux synonyme de vacances et de bonheur.
C’est à l’âge de 14 ans, que l’athlétisme est entré dans sa vie et l’a transformée. Au cours d’un événement sportif local les Foulées Pierrefittoises, des dirigeants du club local ont remarqué son potentiel dès sa première compétition. Même si l’athlétisme ne lui était pas familier, elle a donné suite aux multiples appels du club qui désirait l’intégrer. Elle ne l’a plus jamais quitté par la suite.
Bien qu’elle avoue n’avoir pas immédiatement aimé courir ni suer pendant un long quart d’heure sur le terrain, avec le temps, son rapport à l’athlétisme s’est transformé. C’est l’exigence d’un entraînement régulier qui a finalement développer son affection pour le sport. L’athlétisme lui a appris la valeur de la discipline et de la persévérance si l’on veut atteindre ses objectifs. Selon elle, cela fonctionne comme un mode de vie sain, où l’on établit un plan d’action pour réaliser ses ambitions. Voilà ce qu’elle trouve attrayant dans l’athlétisme.
Elle conclut en évoquant l’image « étroite du quartier ».
Depuis sa première incursion dans les championnats de France de cross en 2005, elle a fait preuve d’une présence constante lors de cet événement d’élite nationale. Son club a été honoré par le titre de sous-champion de France de cross court équipe en 2013 et 2014, à ce moment-là, elle a rejoint l’équipe de France espoirs. Elle a aussi brillé sur la piste, décrochant le titre national du 1500 m junior en 2011. Cependant, c’est dans le cross qu’elle a obtenu ses performances les plus marquantes. « Tant que mon corps le permettra, je garderai ma passion pour la course », annonce-t-elle.
De retour en arrière, cette trentenaire mesure l’influence de l’athlétisme dans sa vie. « On est confus à l’âge de 14 ans, mais l’athlétisme m’a offert une structure et un but. » L’immersion dans le sport lui a ouvert de nouvelles perspectives, « J’ai eu l’opportunité de voyager et de faire connaissance avec des gens de divers horizons en concourant. Cela m’a aidé à dépasser ma vision restreinte de mon quartier. Sans le sport, je n’aurais pas obtenu cette ouverture d’esprit qui a transformé ma façon de penser et m’a rendu plus tolérant envers les autres. »
Afin de redonner à la jeune génération de Pierrefitte les opportunités que le sport lui a offertes, elle occupe les fonctions d’agent de développement sportif et d’educatrice sportive depuis 2016 au sein de l’AS Pierrefitte, suite à l’acquisition de son brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport.
Fatima Charkaoui, bénévole à l’Association espoirs Fauvettes-Joncherolles, travaille pour aider à l’intégration sociale des jeunes à travers des activités culturelles, sportives, éducatives et de soutien académique. Chaque année, elle organise une semaine de ski pour les jeunes de Pierrefitte entre 14 à 18 ans. Pour elle, c’est une opportunité de redonner à la communauté qui l’a soutenue dans le passé.
La Seine-Saint-Denis aura l’honneur de voir passer la flamme olympique les 25 et 26 juillet. Fatima, qui admire Hicham El Guerrouj, le double champion olympique marocain sur 1 500 m et 5 000 m aux Jeux d’Athènes de 2004, est ravie que les Jeux se tiennent dans son département. Bien que la participation en tant qu’athlète ait toujours été son rêve, elle compte profiter des compétitions environnantes. Son anticipation est grande.
Fatima jouera un double rôle dans ces Jeux. En plus de porter la flamme, elle a aussi obtenu l’un des 20 024 laissez-passer pour le Marathon Pour Tous, une course organisée par Paris 2024, qui aura lieu le 10 août. L’esprit olympique continue de briller au sein du cœur de Fatima Charkaoui.
Le sujet a été traité dans le cadre du projet « Terrains de Jeux », avec le soutien de Visa, partenaire mondial des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
D’ici novembre 2024, huit jeunes sont guidés par les journalistes de Le Monde pour documenter l’année olympique en Seine-Saint-Denis à travers des articles, des vidéos et des podcasts. Identifiés par l’organisation Sport dans la Ville dans le cadre d’un partenariat avec Visa, le but est de faciliter l’intégration professionnelle des jeunes des quartiers défavorisés. L’équipe rédactionnelle de Le Monde se charge de la sélection des thèmes et du contenu éditorial.