Lorsqu’ils s’égarent à travers les bois ou tentent de le faire dans cette propriété non clôturée, les visiteurs posent leur bâton sur les murs anciens d’un poste de garde et questionnent un travailleur qui réhabilite les murs à mains nues: « Est-ce bien ici que le cycliste Guillaume Martin vit? ». L’ouvrier répond: « C’est moi. » Avec des ongles noircis, une apparence hirsute, il semble baigner dans un nuage de bonheur.
À 30 ans, ce natif de Normandie est, en ce début d’avril, le meilleur cycliste français en activité (38e classement mondial) – le jeune retraité Thibaut Pinot étant toujours classé 21e, loin du Slovène Tadej Pogacar qui domine le classement, mais devant le champion national Valentin Madouas (40e) et le prodige convoité Lenny Martinez (52e).
Martin, cycliste et écrivain, est désormais aussi un bâtisseur… C’est ici donc, dans cette tour du XVIème siècle, que le leader de l’équipe Cofidis prépare son corps pour les compétitions françaises de cette semaine (Classic Grand Besançon Doubs le vendredi 12 avril, Tour du Jura le samedi, Tour du Doubs le dimanche) et pour les classiques belges la semaine suivante (Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège).
Un autre accès à cette propriété est caché derrière un porche et bordé de pommiers à cidre. Attendant au fond du chemin, se trouve une résidence normande aux larges portes. Le manoir se trouve au cœur du hameau de 12 hectares, qui appartient à la famille Martin qui a patiemment restauré chaque ruine et éliminé chaque lierre. Ils sont les seuls résidents, à part les visiteurs des gîtes convertis qui se trouvent dans les dépendances à La Boderie, située à Sainte-Honorine-la-Chardonne (Orne). Guillaume Martin, le fils, reçoit ses invités dans le manoir. Les trophées de ses réussites sportives sont soigneusement disposés dans le cabinet des élixirs. Son prochain manuscrit prévu pour les éditions Grasset est gardé par deux gros chats noirs.
Il savoure une tasse de verveine chaude et avoue: « Je suis au crépuscule d’une période de changement, qui a certainement été difficile. Il est amer de réaliser que l’on n’est plus ce qu’on était autrefois, mais je trouve aussi un certain apaisement dans la perspective du reste de ma carrière cycliste. » À trente ans à peine, il contemple le passé, « en quête permanente des frissons de ses débuts de carrière ». Sa vision est tournée vers des objectifs à encore atteindre, tels que le Tour de France, où il s’est classé 8e en 2021 et 10e en 2023, et le Tour d’Espagne, où il a reçu le maillot du meilleur grimpeur en 2020.
C’est le 24 mars, dans les rues animées de Barcelone, que le « moment d’agonie » de Guillaume Martin, familier des sommets escarpés, a pris fin. Ce jour-là, il a réussi à garder le rythme soutenu de Tadej Pogacar en arrivant troisième lors d’un sprint sur le Tour de Catalogne. Guillaume décrit cette expérience comme un « nouveau début », après avoir traversé trois saisons difficiles remplies de doutes. En dépit des défis internes qu’il a dû affronter, ses performances constantes à haut niveau ont fait de lui une figure respectée et fiable du peloton français. Ces aspects de sa carrière, cependant, ont été peu visibles pour le public. Environ 63,56% de cet article est encore à lire, ce qui nécessite un abonnement pour y accéder.