L’avenue d’Arenberg est reconnue mondialement comme le point le plus dangereux pour les cyclistes. Ce n’est ni un sommet dans les Pyrénées ni dans les Alpes qui détient le taux le plus élevé d’accidents, mais cette bande pavée de 2 300 mètres est un passage obligé sur la route de Paris-Roubaix. Elle est située au cœur de l’ancien bassin minier de Wallers (Nord). Chaque année, on compte en moyenne environ six chutes dans ce secteur.
La sinistre réputation de l' »enfer du Nord » est alimentée par les blessures subies dans cette section de la course. Cela inquiète le syndicat des coureurs, les Cyclistes professionnels associés (CPA). Pour la première fois, les organisateurs ont choisi d’ajouter des virages en épingles à l’entrée des pavés d’Arenberg pour la 121e édition de Paris-Roubaix le dimanche 7 avril. Cependant, le Néerlandais Mathieu Van der Poel, le champion sortant et favori, a exprimé son mécontentement face à cette nouveauté, qu’il juge « plus périlleuse ». Mais l’allée d’Arenberg a fait de nombreux dommages… et cela ne cesse d’augmenter.
La dernière victime est Filippo Colombo, un suisse de 26 ans, qui a chuté à Arenberg le 9 avril 2023. « Un an après, je ne me suis toujours pas complètement rétabli de ma fracture ouverte du coude », confie le Tessinois. « Il me manque 15 % de ma capacité d’extension du bras et je vais probablement subir les conséquences de cette blessure pour le reste de ma vie. »
Une série sombre indeed.
Filippo Colombo a remis sa carrière sur les rails, non pas dans les foules cyclistes en route, mais en se redirigeant vers le VTT, sa discipline initiale, vêtue désormais du maillot de l’équipe Scott-Sram. « J’ai subi beaucoup de pertes », souligne-t-il. « De précieux temps, des points de qualification qui me forcent à commencer en arrière-plan, une confiance en moi lors des descentes… »
Dimanche, ses yeux seront sur Paris-Roubaix et le tranchée. « Je ne comprends toujours pas comment l’Union Cycliste Internationale (UCI) a pu approuver une telle chose », s’étonne Colombo. « Je viens du monde du VTT, nous connaissons la maîtrise d’un vélo, nous savons ce qui est risqué, mais nous n’aurions jamais accepté de rouler dans Arenberg! »
L’histoire sombre de cette voie commence dès sa première apparition dans « l’enfer du Nord » en 1968, sur des galeries et des fosses de charbon. Selon la mythologie du cyclisme, qui se plaît à tracer des parallèles entre ces vies, les mineurs souffrent sous la terre d’Arenberg pendant que les coureurs peinent à respirer dessus. Pendant une longue période, les blessures sur cette voie ne sont pas plus graves ou fréquentes que sur les autres routes pavées du parcours.
Le choc d’un accident survenu le 12 avril 1998 est encore vivant dans l’esprit de beaucoup. Le sportif belge Johan Museeuw, destiné à remporter le tournoi, souffre d’une rupture de rotule. Après avoir été conduit à l’hôpital, il contracte une gangrène, suggérant plus tard que la bouse de cheval contaminée, mélangée à la boue, avait infiltré son système sanguin. L’amputation était envisagée par les médecins avant qu’ils ne parviennent à contrôler l’infection critique. Museeuw, surnommé le « Lion des Flandres » pour sa résilience, a réitéré maintes fois qu’il avait « frôlé la mort ». Pour ceux qui le connaissent bien, son accident a laissé des traces profondes sur son caractère, le menant vers un mysticisme de plus en plus obscur.
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