Certains journalistes cherchent toujours des façons de couvrir les Jeux Paris 2024, mais ce n’est pas le cas de Valentin Houinato. Il est reporter à Radio France depuis septembre 2023 et il a trouvé un angle unique pour cet évènement majeur : sa propre histoire. Presque chaque semaine, il raconte sur France Inter son chemin difficile pour essayer de se qualifier aux Jeux Olympiques. Un voyage de trois minutes dans l’âme d’un judoka tourmenté par le défi de sa vie.
A 27 ans, ce jeune homme à l’humeur plus variable que son sourire, s’exprime librement et sans inhibition. Que ce soit dans sa chronique quotidienne appelée « La Prépa » ou sur les tatamis, Valentin Houinato est honnête au sujet de ses sentiments, ses humeurs et de l’Afrique, son deuxième continent. En effet, « Val » ou « Valou », comme on le surnomme, est né en Seine-et-Marne, terre de sa mère. Toutefois, en 2022, il a choisi de combattre sous le drapeau du pays natal de son père, le Bénin, dans la catégorie des -81 kg. L’équipe française était hors de sa portée. « Je crois que j’étais quinzième dans le classement français, les sélectionnés aux JO sont dans le top cinq », explique-t-il.
« Il m’arrive souvent de voir rouge », admet-il.
Enfant, il évoque avec nostalgie ses vacances estivales passées au Bénin. Sa patrie d’origine est toutefois la Vendée, où résident ses grands-parents qu’il adore. Être de double nationalité lui présente une opportunité unique pour accomplir son rêve absolu. Il se souvient avec frénésie d’avoir été dans la foule lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Son objectif principal était de participer aux Jeux. Il aurait également accepté une proposition du Luxembourg. Sa seule préoccupation est Paris et la cérémonie d’ouverture, en imaginant ses grands-parents devant la chaîne de télévision France 2.
Cependant, la route menant au Grand Palais éphémère, où se tiendront les compétitions de judo du 27 juillet au 3 août, est un parcours exténuant. Il exprime son désir de partager son quotidien, qui, de facto, est parsemé de difficultés. Les professions de pigiste et d’athlète de haut niveau sont compliquées à concilier. Il est ardu de rester au fait de l’actualité et de suivre un entraînement rigoureux simultanément. Il insiste sur le fait qu’il continue de travailler pour couvrir son loyer. Il doit également assumer les frais relatifs à son coach mental, ses cours de psychomotricité, de jiu-jitsu brésilien (pour perfectionner ses techniques au sol), ses kimonos valant 150 euros chacun, ses billets d’avion et ses nuitées à l’hôtel. Il admet qu’il est constamment en déficit financier.
Dans un effort pour réduire ses dépenses de voyage, Valentin Houinato choisit souvent d’avoir plusieurs arrêts lorsqu’il va au Cameroun ou au Qatar pour participer à des tournois internationaux (il en a déjà eu douze depuis qu’il a commencé à représenter le Bénin) ou pour un stage à Tokyo. « Par trois ou quatre fois », il a dû passer la nuit dans des aéroports car la Fédération de judo du Bénin n’a pas toujours les moyens de le soutenir financièrement. Les déplacements en Afrique ont un prix, et pas seulement au sens monétaire. Il s’agit également de gérer des compétitions qui sont parfois mal organisées.
Il relate la difficulté de sa situation : « J’évolue sur une corde raide depuis plusieurs mois ». « Les taxis sont fréquemment en retard. On nous annonce à l’improviste : “il n’y aura pas de dîner ce soir, vous mangerez demain”, raconte-t-il. C’est frustrant de jouer face à des adversaires qui ne comprennent pas ce qu’implique un niveau de compétition élevé ». S’agit-il d’un problème de budget ? Il se fâche : « Il ne s’agit pas d’argent pour nettoyer une salle. Mon kimono blanc était inutilisable après l’Open du Niger, je devais le jeter. Quelquefois, c’est peu professionnel. Comme par exemple, quand une personne a 100 grammes de plus lors de la pesée et que l’officiel dit “ce n’est pas grave”. Et ensuite, on découvre qu’ils sont du même pays. » Cependant, le judoka réfute vivement l’idée que combattre en Afrique serait plus facile : « Le niveau de compétence est élevé, l’Afrique regorge de potentiels et on peut faire encore mieux. »
Depuis plus d’une année, Valentin Houinato s’efforce de tenir, faisant la navette entre son emploi, ses entrainements, ses tournois auxquels il participe seul sans coach pour le guider, ses blessures et l’obligation de dénicher des financements – il possède un petit sponsor et a initié une collecte en ligne. Cette situation le mène à l’épuisement, tant sur le plan physique que mental, l’amenant parfois jusqu’aux larmes. Un médecin lui a indiqué qu’il souffre d’une « surcharge cognitive » et lui a prescrit des médicaments pour dépression. « Mon but est de tenir le coup, admet-il. Je suis sur un fil depuis des mois et il doit tenir jusqu’au 30 juillet [date de sa compétition]. »
Actuellement classé 70ème mondial dans sa catégorie, Valentin Houinato est « qualifié pour les Jeux pour l’instant ». Cependant, il ne saura qu’à la fin de la période de qualification, le 23 juin, s’il pourra effectivement participer aux Jeux de Paris 2024.