Catégories: Sport
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24 mars 2024 18 h 09 min

« Mitra Hejazipour: Championne d’échecs, voile à cinq ans »

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Mitra Hejazipour, une talentueuse joueuse d’échecs, s’est exilée en France après s’être publiquement défendue contre le régime iranien. Cela a déclenché une période d’adaptation complexe, loin de sa famille et de ses proches. Cependant, elle a acquis la citoyenneté française et cherche maintenant à se rétablir au sommet des compétitions d’échecs. Elle participera au championnat d’Europe à Rhodes (Grèce) à partir du 18 avril.

Elle n’aurait jamais atteint ce stade si elle n’avait pas choisi de retirer son voile pendant le championnat du monde d’échecs blitz à Moscou, le 25 décembre 2019, alors qu’elle représentait l’équipe nationale iranienne. Cet acte provocateur a retenu l’attention mondiale grâce aux médias et aux réseaux sociaux et a transformé sa vie. Elle a été bannie de son équipe le 2 janvier 2020, et a compris qu’elle ne pourrait plus rentrer chez elle.

Sa décision n’a pas été prise à la légère. Elle avait envisagé depuis des années de faire un geste. Depuis l’âge de neuf ans, elle a voyagé largement grâce aux échecs et a constaté que les choses étaient différentes de celles de son pays d’origine. Elle a visité une trentaine de pays, non pour du tourisme, mais pour y jouer aux échecs. Néanmoins, elle a pu voir très tôt des variations culturelles et les libertés que les autres possèdent en observant comment les femmes s’habillent et se comportent dans la rue.

A mesure que je mûrissais politiquement, j’étais de plus en plus scandalisé. Chaque fois qu’une résistance faisait surface en Iran, elle était sans tarder réprimée, avec les dissidents soit appréhendés soit assassinés. J’étais au courant des mille d’exécutions grâce aux conversations que j’avais eues avec des amis qui avaient perdu des proches ou qui avaient été supprimés pour avoir résisté au régime. Malgré la censure, les médias sociaux m’ont aussi fourni des informations.

Qu’est-ce qui a déclenché votre insubordination ?

La femme qui a décidé en décembre 2017 de retirer son voile, de grimper sur un boîtier électrique à Téhéran, et de se faire photographier la tête nue en brandissant son voile comme une forme de contestation, m’a énormément inspiré. Ce mouvement a été suivi par d’autres et a abouti à une série d’arrestations.

Cela m’a amené à envisager de prendre des mesures pour attirer l’attention sur la situation des femmes dans mon pays. A ce moment-là, on avait cessé de parler du mouvement des femmes iraniennes, qui a pourtant commencé avec la révolution de 1979, malgré des pauses prolongées. La pression du régime était tellement intense que les voix étaient réduites au silence. Les championnats du monde d’échecs, qui attirent beaucoup de médias, m’ont semblé le moment parfait.

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