L’histoire des stades et leurs évolutions sont dépeintes dans l’exposition « Il était une fois les stades », qui se tiendra à la Cité de l’architecture et du patrimoine du 20 mars au 16 septembre 2024. Un entretien avec la curatrice Emilie Regnault offre des éclaircissements sur ces espaces emblématiques.
Les premiers stades ont vu le jour en France à la fin du XIXe siècle, une époque marquée par une popularité croissante de sports tels que l’athlétisme, le football et le rugby. Grâce à la loi de 1901, les organisations sportives ont pu se développer, diffusant le sport à travers toutes les strates de la société. Bien qu’il y ait déjà eu des terrains pour l’entraînement amateur, les stades dotés de tribunes pour accueillir le public et des compétitions ont été principalement établis pendant l’entre-deux-guerres. Ces espaces ont souvent été mis en place par des municipalités socialistes, qui soutenaient fortement la pratique sportive.
En 1936, la première politique publique sportive a vu le jour grâce au Front Populaire, qui a donc favorisé la progression des équipements sportifs. Cependant, on ne doit pas négliger l’apport significatif des acteurs privés. Le stade Bauer à Saint-Ouen, inauguré en 1909, est largement reconnu comme le premier stade aménagé en France. Le stade de Gerland à Lyon, conçu par l’architecte Tony Garnier, est quant à lui le premier grand stade municipal français, lancé en 1913 et inauguré en 1926 à cause de difficultés liées à la guerre.
L’émergence des stades en France reflétait-elle ce qui se passait dans le monde à ce moment-là ?
Durant le commencement du vingtième siècle, la France semblait être doucement à la traîne en comparaison à ses homologues européens en ce qui concerne le sport, qui n’avait pas encore gagné une popularité massive. Lorsque l’année 1900 voit la France accueillir les Jeux Olympiques, les organisateurs sont contraints à utiliser des installations déjà existantes, comme par exemple le vélodrome de Vincennes. Bien que des stades somptueux soient construits pour des villes telles qu’Athènes et Londres, en France, le gouvernement se montrait hésitant à financer la construction de stades de grande envergure.
Dans les années 1920, lorsqu’il fut argumenté auprès des autorités sportives que la construction de terrains de sport était nécessaire, l’État a alors mis en place des installations accessibles à tout le monde pour la pratique du sport éducatif et récréatif. Lorsqu’une demande pour un grand stade est faite, une forme de suspicion à l’égard du « sport spectacle » apparaît. Les stades de grande taille qui sont construits sont largement soutenus par des investisseurs privés, tout comme les vélodromes destinés aux compétitions cyclistes, tels que le Parc des Princes (1897, puis 1923) ou le Vélodrome d’Hiver (construit en 1909). Il est important de rappeler que le stade olympique de Colombes a été construit par le Racing Club.
Comment a évolué l’architecture des stades?
Lorsque le sujet de la construction de stades en France est soulevé pour la première fois au début du 20ème siècle, il n’existe pas de modèle concret. Mis à part les stades antiques et les tribunes d’hippodrome, il n’y a pas de réels modèles à suivre. En 1913, des étudiants des Beaux-Arts travaillent sur ce projet, envisageant une entrée triomphale, impressionnante, mais ne traitant pas les questions fonctionnelles et techniques.
La conception des stades est largement influencée par les avancées du génie civil. Le stade Gerland de Lyon est un parfait exemple de l’utilisation efficace du béton armé, un matériau moderne. Sa robustesse, sa capacité portante et sa malléabilité en font un choix privilégié pour les constructions de stades jusqu’aux années 1970. Plus tard, l’introduction des toits suspendus en plastique, tels qu’à Laval, des toits en toile à Plémet ou encore ceux soutenus par des câbles d’acier à Villeneuve-d’Ascq, met en évidence la recherche constante de performance. Le stade se métamorphose en un centre d’innovations et d’expérimentations.
Au début, les gradins étaient simples et peu confortables. Des tribunes privilégiées ont ensuite été conçues pour les officiels. Aujourd’hui, la plupart des stades ont des gradins couverts. La distinction se fait désormais sur le confort des sièges et la position dans les gradins. Des espaces privatisables ont également vu le jour. Les stades se transforment en arènes fermées, focalisant l’attention sur le centre, c’est-à-dire, le terrain.
Quelle est la place des stades dans la société ?
Naturellement, les stades sont le théâtre d’événements sportifs. Cependant, ils jouent également un rôle politique et social important dans la modernisation des villes. La législation a encouragé la création d’espaces réservés au sport. La loi Cornudet de 1919, par exemple, incite les municipalités de plus de 10 000 habitants à considérer l’importance du sport dans l’aménagement urbain. C’est pourquoi les stades ont souvent été construits en périphérie des villes, à proximité des quartiers populaires et industriels, loin des centres historiques congestionnés. Aujourd’hui, ces stades sont pleinement ancrés dans le paysage urbain et ont contribué à son expansion.
Il est indéniable que certains stades ont joué un rôle significatif dans le développement historique des villes. Le stade Bollaert de Lens est un exemple typique. Créé en 1933 par Félix Bollaert, un entrepreneur privé et directeur commercial de la Compagnie des mines de Lens, le stade a été imaginé pour son personnel et pour promouvoir son enracinement local. Il avait également pour but de promouvoir les clubs sportifs de la région, comme Marcel Michelin à Clermont Ferrand et Raoul Dautry pour la SNCF. En 1938, Bollaert a offert l’utilisation du stade au Racing Club de Lens, qui ne possédait pas ses propres équipements sportifs. Attirant des supporteurs avides, souvent des mineurs retraités, le stade est devenu un symbole fort de la ville après son acquisition par la commune pour un franc symbolique. Quels sont les autres stades qui peuvent illustrer l’évolution de l’architecture des stades ?
À mon avis, le stade Gerland (1913-1926) à Lyon a jeté les fondations de ce qu’un stade moderne, monumental et réservé aux sports d’athlétisme devrait être. Le stade Chaban-Delmas à Bordeaux (1938), avec son impressionnante couverture de béton armé qui enveloppe l’ensemble des gradins, symbolise l’exploit architectural sur le plan esthétique. Le Parc des Princes (1972) marque une véritable révolution en termes d’ingénierie car une partie de sa structure repose sur le boulevard périphérique. Il est le premier grand stade en France à offrir à chacun une place assise et à fournir un espace dédié à la presse. C’est également la première fois qu’on a utilisé sur place du béton préfabriqué précontraint pour un équipement sportif, offrant un réel éblouissement esthétique. Le stade Charlety (1986-1994) est aussi un incontournable, grâce à sa structure robuste faite de béton et de métal, exposée et mise en évidence. Comme le stade de la Licorne (1999) à Amiens, il propose une vision dégagée sur son environnement grâce à sa grandiose structure entièrement composée de verre et de métal, mettant ainsi en contraste avec des stades complètement fermés comme le Parc des Princes ou l’Orange Vélodrome à Marseille.
Maintenant, comment paraissent les nouveaux stades ? Ils ne sont plus vraiment les mêmes parce que les objectifs ont changé. Leur approche dépasse celle du stade avec l’introduction de musées, d’hôtels et de centres commerciaux à proximité. Les espaces se multiplient pour permettre plus d’attrait et une meilleure intégration au sein de la ville. Ces zones se transforment presque en « parcs de divertissement ».
Dans le domaine de l’architecture, l’importance est maintenant accordée à la diffusion de matches et de concerts. Les stades se transforment en salles de spectacle, que les fans et les spectateurs peuvent voir depuis un canapé, une salle de cinéma ou une zone de fans. La recherche du grand stade de 100 000 places n’est donc plus une priorité car on peut participer à l’événement sans se trouver dans le stade. Cependant, il est indéniable que le stade est devenu, du moins pour les plus grands, un monument en soi.
Consultez les épisodes du podcast « Archi intéressant » sur « Lemonde.fr » et les plateformes d’écoute pour une troisième saison dédiée aux stades et réalisée en collaboration avec la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Participez, réutilisez ce contenu.
Laisser un commentaire