Après quatre jours de délibérations et près de deux cents modifications apportées, aucun nouveau texte n’a été adopté par les députés. Ce rejet a eu lieu le samedi 19 octobre, lors de la commission des finances, concernant la section des « recettes » du budget 2025. Cette action est intervenue après d’importantes modifications basées sur la proposition du gouvernement, qui se trouve maintenant face à un dilemme avant la discussion de lundi dans l’hémicycle.
Le gouvernement de Matignon prévoit une contribution de 60 milliards d’euros pour contrôler le déficit public, avec 40 milliards d’économies et 20 milliards de nouvelles recettes fiscales. Cependant, après l’examen en commission, la proposition de loi présentée la semaine dernière était presque méconnaissable: clés du texte supprimées, modifications à hauteur de plusieurs milliards d’euros adoptées, diverses taxes et exonérations nouvellement introduites…
Toutes ces modifications qui ont bouleversé l’équilibre financier du texte ont été balayées par un vote final négatif, 29 contre 22, l’alignement du Rassemblement national (RN) avec la droite et le centre pour rejeter le texte.
Michel Barnier a critiqué le texte, l’appelant « insoutenable ». Il reproche « l’attitude du gouvernement et des partis de la majorité qui (…) ne veulent rien négocier » a expliqué Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme et le « Monsieur Economie » du RN. Cela le met donc du même côté que le macroniste David Amiel, qui a décrié une « carnage fiscal » d’environ 50 milliards d’euros.
« Le texte était devenu insoutenable », a déploré le premier ministre Michel Barnier, lors d’une interview au Journal du dimanche (JDD), mettant en garde contre un « concours Lépine fiscal ».
La France Insoumise (LFI), specialement, a récemment exprimé son enthousiasme face à ses « victoires » contre les « superprofits » et les corporations multinantionales, qui représentent des chiffres astronomiques. Selon Eric Coquerel (LFI), chef de la commission des finances, malgré le rejet final, le budget « NFP-compatible » démontre qu’il y avait une majorité en faveur. Il considère donc que « la mission est accomplie ».
Cependant, cet avis est contraire à celui du ministre des finances publiques, Laurent Saint-Martin. Il a promptement critiqué les appelées « impostions exorbitantes » qu’il juge « inacceptables » et « irresponsables », en particulier lorsque le gouvernement cherche à « réduire significativement nos dépenses publiques ». Son homologue, le ministre de l’économie, Antoine Armand, a condamné sur le réseau social X, les « alliances opportunistes [qui] ont abouti à l’adoption de dizaines d’amendements pour toujours plus imposer les Français, au détriment de l’épargne des classes moyennes, de la mobilité professionnelle, de la transmission de nos commerces et de nos PME… En somme, ceci affecte notre vie quotidienne. »
La majorité relative n’a pas été en mesure de faire face à la situation
C’est donc sur cette prémisse que le débat sur le texte initial du gouvernement reprendra à l’Assemblée nationale. M. Saint-Martin sera présent à partir de lundi soir pour défendre ce projet, qu’il « sai[t] défendu par la majorité de l’Assemblée nationale ».
Cependant, la majorité relative a fait défaut en commission. Dès le début, elle n’a pas réussi à empêcher les votes en faveur d’une taxe permanente sur les hauts revenus, alors que le gouvernement voulait que ce soit « temporaire ». Elle n’a pas non plus réussi à modérer le resserrement des mesures concernant les rachats d’actions, le crédit d’impôt recherche ou le transporteur maritime CMA-CGM.
A plusieurs reprises, le bloc gouvernemental a tenté de rallier les groupes d’opposition à sa cause, comme le MoDem pour augmenter la « flat tax » sur les revenus du capital, ou Les Républicains pour remettre en place une « exit tax » visant à freiner l’exil fiscal, aussi efficace qu’à son lancement sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Cependant, la droite et le centre ont résisté à certaines propositions phares, notamment les augmentations de taxes sur l’électricité, les chaudières à gaz et les voitures à moteur thermique. Cet embrouillement a suscité l’inquiétude au sein même du RN. « Je ne distingue aucune harmonie entre les différents groupes qui soutiennent M. Barnier », a déclaré M. Tanguy lors du débat, regrettant l’incompréhension entourant l’orientation future du projet de budget.
La possibilité de la mise en œuvre du 49.3
Est-ce que le gouvernement est sûr de son propre plan ? Avant la commission, les ministres en poste à Bercy avaient promis d’amender leur proposition, en envisageant notamment une augmentation de la taxe sur les vols aériens et une extension du prêt à taux zéro pour l’immobilier. Cependant, étant donné l’ampleur et le nombre de modifications votées depuis mercredi, l’option d’une imposition au parlement par le biais de l’article 49.3 pourrait rapidement se présenter, afin d’échapper à d’autres désillusions.
M. Barnier a confié au journal JDD qu’il favorisait l’expansion du débat parlementaire, mais n’a pas écarté l’adoption par le biais du 49.3, citant « l’obstruction potentielle de l’adoption du budget risquant de paralyser l’administration publique, de mettre en péril la gestion financière de l’État et d’endommager la crédibilité financière de la France. ».
M. Coquerel est persuadé que le gouvernement ne veut pas donner l’image d’un budget minoritaire et d’une majorité en péril. Dans le but de mettre l’exécutif au pied du mur et de proposer une motion de censure, l’insoumis semble écarter l’idée d’une motion de rejet qui empêcherait le débat.
Les Macronistes, quant à eux, se tiennent prêts à riposter contre toute menace sur l’emploi et le pouvoir d’achat des citoyens français, comme l’indique M. Amiel. Selon une source ministérielle, le gouvernement est prêt à tenir une session parlementaire à toute heure du jour et de la nuit si nécessaire.
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