La route menant au sud de la Grande Terre a été fermée de manière abrupte à la région connue sous le nom de Le Thabor, un point de repère qui signifie le début de la « traversée de Saint-Louis ». Cette fermeture a duré environ six semaines. Deux véhicules blindés modernes, appelés centaures, entravent la circulation, pendant que la gendarmerie régule les mouvements de personnes, qui ne peuvent se déplacer qu’à pied. Ils sont protégés par des « bastion walls », des structures métalliques doublées de sacs de gravats, qui servent de blindage contre les tirs et les intrusions. Un poste de contrôle militaire qui ressemble à ceux des zones de conflit a été installé, une première sur le territoire, justifiée cependant par les autorités en raison des fréquentes attaques armées contre les forces de l’ordre à Saint-Louis, qui comptabilisent plus de trois cent incidents en l’espace de quatre mois.
Le passage de Le Thabor était sécurisé par un « verrou nord » tandis qu’un « verrou sud » était instauré à l’autre extrémité de Saint-Louis. Le nombre de « bastion walls » était encore plus grand en raison de la vulnérabilité de la zone, selon le général Nicolas Matthéos, qui dirige la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie. C’est d’ailleurs à proximité de ce point que le gendarme de 22 ans, Nicolas Molinari, a trouvé la mort le 15 mai, ayant été visé intentionnellement entre les yeux, comme le relate le général Matthéos. Suite à cet incident, une enquête pour meurtre a été initiée. C’est également dans cette zone que deux hommes ont été tués par balles lors d’une opération spéciale de la gendarmerie le 19 septembre.
Dans le quartier général de la gendarmerie nationale à Nouméa, une carte indique par une ligne rouge un secteur de six kilomètres de route où la circulation automobile est interdite. Le général Matthéos note que la situation à Saint-Louis, un obstacle depuis son premier voyage en Nouvelle-Calédonie il y a plus de quinze ans, reste inchangée. Chaque rébellion commence et se termine dans ce lieu, bien après que le reste du pays ait retrouvé la tranquillité.
Au 19ème siècle, Saint-Louis a été un exemple pour l’évolution d’une économie locale sous la supervision des pères maristes. Cependant, dans les années 1980, la région a adopté la cause de l’indépendance. Avec la dissolution des liens religieux, et l’échec des structures coutumières et familiales pour remplacer ceux-ci, une portion de la jeunesse a basculé vers une criminalité apparemment irréversible. On rapporte que cinquante jeunes ont été tués de façon violente à Saint-Louis au cours des vingt dernières années, une région avec seulement mille deux cents habitants.
La route traversant la tribu est souvent utilisée comme outil de pression contre les autorités, notamment lors des conflits de 2001, 2009, 2016 et 2021. A chaque période tendue, des manifestants bloquent la route et parfois ouvrent le feu sur les conducteurs qui s’y risquent. Si bien que sur les plateformes sociales, des appels à « démanteler Saint-Louis » se multiplient, aggravant les tensions avec la tribu rebelle.
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