Même ses rivaux reconnaissent que Bruno Retailleau est un individu érudit, intéressé et d’une politesse exceptionnelle. Lorsque le nouveau ministre de l’intérieur engage un débat, il le fait avec une grâce presque démodée. En avril 2017, le responsable de la campagne de François Fillon confronte le candidat Emmanuel Macron, sur France 2, et compare son approche d’équilibre à un vol de snipe zigzagant à travers une histoire de chasse précieuse pour son grand-père : « Il m’a toujours enseigné que lorsqu’un snipe part dans un zig, il faut tirer dans un zag. »
Sans arme à feu mais avec une sélection de mots judicieux, le président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat a beaucoup critiqué ce « nouveau monde », lui, l’homme de droite affirmé. « Quand on combine n’importe quoi, au final, cela crée de l’impuissance. Cela rigidifie la France et la mène vers une impasse », déclarait-il encore en juillet.
Lundi, Bruno Retailleau va cependant partager la même table, au conseil des ministres, avec une fervente supportrice d’Emmanuel Macron comme Astrid Panosyan-Bouvet (travail), un transfuge des Républicains détesté par son ancien camp comme Sébastien Lecornu (armées), ou encore apprendre à collaborer avec l’ancien socialiste Didier Migaud pour former une équipe justice-intérieur très « équilibrée ».
La gauche s’étouffe de rage
À 63 ans, il était dur de rester sur la touche à observer ce manque d’opportunité ministérielle en 2017, avec la défaite de François Fillon. « La France a raté l’occasion d’avoir un grand président », dit-il. Vendredi, M. Retailleau annonce la nouvelle devant son groupe au Palais du Luxembourg. « C’est une question de responsabilité. » La sienne est « d’assister un premier ministre qui est issu de notre camp. »
La gauche est bouleversée par l’arrivée au Beauvau. « Sa désignation est comme une dérive vers la droite extrême, il est un ministre conservateur dans le vrai sens du mot, et est sous l’influence et le contrôle du Rassemblement national », déclare Roger Vicot, parlementaire PS du Nord, expert en sécurité. « On assiste à la résurgence de la vieille droite française », exprime Ludovic Mendes, parlementaire Renaissance de Moselle, sur BFM-TV.
Croyant catholique et père de trois enfants, ce diplômé de Sciences Po Paris a déjà fait partie du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers. En tant que député de 1994 à 1997, il rejoint l’UMP en 2010, après avoir rompu avec le fondateur du Puy-du-Fou (où il a été acteur à la Cinéscénie en tant que cavalier durant plusieurs années). Avec l’UMP puis LR, Bruno Retailleau a été perçu comme un outsider, un cousin rural éloigné, avant de gagner la confiance de François Fillon et de représenter la faction conservatrice du parti, celle en faveur de la Manif pour tous. Le Vendéen, opposé au mariage gay, a également voté contre l’inscription de l’avortement dans la constitution, en mars.
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