La multiplication des patrouilles par les autorités autour des lieux de prière n’a pas suffi à empêcher les incendies répétitifs des églises. Le lundi matin du 9 septembre, encore une fois, les fidèles bouleversés se sont dirigés vers une gendarmerie pour rapporter le feu de leur église à Balade, située dans la commune de Pouébo, au nord-est du pays. Malgré que la chaux ait protégé les pierres de l’église, la porte et l’autel en bois n’ont pas survécu. L’église peut paraître modeste en taille, mais elle est chargée de symbolisme, car c’est là que l’évangélisation de Grande Terre a débuté en 1843, une décennie avant que la France n’annonce posséder la Nouvelle-Calédonie.
Le prélat de Nouméa, Michel Calvet, en place depuis la fin des années soixante, ne comprend pas ce sixième acte d’agression contre une institution catholique en moins de trois mois. « Je suis constamment sollicité par de nombreuses personnes chaque jour pour fournir une explication. Je cherche toujours une réponse », déclare le prêtre mariste.
Quant à la relation entre la colonisation et la religion, selon Calvet, « L’Eglise a prouvé qu’elle s’est toujours rangée du côté du peuple indigène », surtout en matière d’éducation, car les premières écoles publiques pour les Kanaks n’ont ouvert qu’en 1953. C’étaient donc les missionnaires, qu’ils soient catholiques en Grande Terre ou protestants dans les îles Loyauté, qui ont favorisé l’accès à l’éducation pour les Kanaks. Cependant, en Nouvelle-Calédonie, les questions religieuses sont aussi fréquemment associées à des problèmes de terre, qui n’ont jamais été entièrement résolus.
Michel Calvet admet qu’il y a eu « des malentendus, et même des gaffes », tout en rappelant qu’en 1993, lors du 150e anniversaire de la première messe célébrée en Nouvelle-Calédonie à Balade, il a lui-même demandé, devant un public de six mille fidèles, majoritairement kanak, de « reconnaître les torts infligés au peuple mélanésien (…) C’est l’Evangile qui nous guide à présenter des excuses ».
« Rituel satanique »
Le bureau du procureur de Nouméa a lancé une enquête pour « chaque incident. Quant aux raisons, elles semblent varier. Sur les médias sociaux, on observe une assimilation entre la religion et la colonisation. Une consommation excessive d’alcool pourrait également inciter à jouer avec des allumettes. Parfois, c’est probablement une combinaison des deux », explique le procureur de la République, Yves Dupas, qui n’exclut pas la possibilité d’un « rituel satanique » ayant conduit à la destruction de l’église de Saint-Louis, à Mont-Dore, par incendie.
En juillet, suite aux premiers incendies, le président du gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie, Louis Mapou, avait condamné des « actes d’irresponsabilité qui mettent en péril les principes de fraternité et de partage qui sont à la base de la société calédonienne ». Ce leader indépendantiste du Parti de libération kanak (Palika) affirme qu' »aucune frustration ni colère ne pourraient justifier ces actes ».
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