Bruno Le Maire, le numéro deux du gouvernement, se sent nostalgique le lundi 17 juin, dans son grand bureau à Bercy. Une semaine après la dissolution abrupte de l’Assemblée nationale, il prévoit la disparition imminente de la majorité présidentielle. « Nous avons déjà été effacés de la photo », regrette-t-il, scrutant les couvertures des magazines. Bien qu’il soit incertain de l’avenir du gouvernement Attal en été 2024, il maintient vivement son envie de devenir président. « Il y pense constamment », plaisante un de ses anciens amis.
Cependant, les cinq dernières semaines ont affaibli Le Maire, le plongeant ainsi que le monde politique dans l’incertitude. « Sa stratégie a été déstabilisée par la dissolution et les élections législatives », explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP). Son projet d’être considéré comme le successeur « naturel » d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2027 a été mis en suspens.
Après avoir fait l’éloge du président pendant sept ans, Bruno Le Maire a publiquement pris ses distances. Il a ouvertement critiqué la dissolution en juin, la qualifiant de « choix unilatéral », suivi d’une moquerie sur les « insectes » qui grouillent à l’Élysée. Durant les élections législatives, l’ancien député de l’Eure a préféré défendre la position du « ni LFI, ni RN », montrant un désintérêt pour le front républicain alors qu’il avait embrassé l’idée du macronisme. « Il est retombé dans son ancien rôle de la primaire LR, malgré avoir réussi à projeter une certaine stature depuis 2017 », note un ancien ministre.
Le dîner en compagnie de Marine Le Pen a été marqué par l’émergence d’Edouard Philippe, le maire du Havre. Sa manière de s’affranchir a été beaucoup plus évidente et déclarée que celle de Bruno Le Maire. Edouard Philippe, l’ex-premier ministre, a reproché à Emmanuel Macron d’avoir « détruit la majorité » le 20 juin. Après le deuxième tour, il a déclaré que la conduite du président Macron avait rendu le pays « grandement indécis » et que cela avait mis le peuple face à « des dangers considérables ».
Selon M. Dabi, le public a bien compris que le lien avec Macron était désormais rompu. Cette situation a été accélérée par les circonstances. « Ce n’était pas prévu ainsi, mais il avait un désaccord profond avec le président et il n’y avait aucune raison pour lui de le cacher », explique Gilles Boyer, un député européen fidèle à Philippe. « C’est une période de grande transformation pour tous, qui réinitialise tout. » Un ministre, au contraire, pense que Philippe « n’a pas su se montrer à la hauteur de la situation », ajoutant que « la dissolution a perturbé les petits plans » du président d’Horizons.
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