En termes d’immigration, d’éducation, de santé et d’écologie, de nombreuses questions se posent autour de la capacité d’action d’un Premier ministre et de son gouvernement sans l’appui du Parlement et sans partager le même alignement politique que le chef de l’État, d’autant plus que l’incertitude plane sur la composition de l’Assemblée nationale future. Ceci va au-delà des sujets polémiques liés aux nominations de hauts responsables, un sujet sur lequel Emmanuel Macron, le président de la République, a essuyé des critiques de la part de Marine Le Pen, la dirigeante du Rassemblement national (RN), qui l’accuse d’avoir perpétré un « coup d’État administratif ».
Cependant, rappelle Julien Boudon, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay, la Ve République offre une certaine latitude au Premier ministre et à son équipe gouvernementale dans la forme du pouvoir réglementaire, qu’il qualifie de « très significatif » en France. Si bien que l’aspect réglementaire joue un grand rôle dans l’application de la loi, la mise en œuvre des principes définis peuvent différer. Il s’agit d’un pouvoir autonome qui se décline en divers décrets, arrêtés, ordonnances et circulaires. L’importance clé du Premier ministre au sein de cette structure administrative est à souligner.
On constate facilement en consultant les différents codes juridiques que presque aucun aspect de la société n’est à l’abri des textes réglementaires, même si l’importance des décisions varie d’un domaine à un autre.
Dans le milieu de l’éducation nationale, il est couramment admis et souvent craint, en particulier en perspective d’une cession de pouvoir au RN ou d’une Assemblée impraticable en l’absence de majorité nette : des lois ne sont pas exigées pour de nombreuses réformes éducatives. Il suffit simplement d’un document réglementaire, que ce soit une ordonnance ou un décret, pour modifier la structure d’enseignement, les curriculums scolaires – domaine hautement délicat – ou la formation des enseignants. « Il est possible de modifier considérablement le système éducatif sans avoir à instaurer une loi, indique l’ancien directeur Alain Boissinot. Il n’est pas essentiel de parfaitement discuter au Parlement une stratégie excessivement idéologique, comme celle que soutient le RN, qui envisage une révision des programmes d’histoire et un renforcement du contrôle sur les enseignants. »
Régulation des autorisations
Emmanuel Macron et Gabriel Attal avaient déjà parfaitement saisi cette réalité avec la majorité relative du dernier ordre. Grâce à leur latitude réglementaire, ils ont trouvé leur lieu de prédilection dans l’éducation pour mettre en lumière leur potentiel d’action. Par exemple, pour interdire l’abaya à partir de 2023, il ne fallait à Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale, qu’une simple directive. Elle a permis de clarifier le décret d’application de la loi de 2004 qui régit le port de signes religieux à l’école. Pour mettre en œuvre la réforme large connue sous le nom de « choc des savoirs », qui comprend notamment des groupes de besoins spécifiques en français et en mathématiques au collège, seule une sélection d’ordonnances et de décrets – encore à ce jour non tous publiés – est nécessaire.
Il reste encore 66.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Laisser un commentaire