Depuis la surprenante dissolution, la communauté scientifique a manifesté à plusieurs reprises son opposition publique à une possible prise de pouvoir du Rassemblement national (RN), avertissant des potentielles menaces qui pourraient l’accompagner. Les inquiétudes étaient exprimées même avant le premier tour des élections législatives, avec cinq lauréats Français du Prix Nobel et de nombreux chercheurs mettant l’accent, le 25 juin, sur la sévère et pressante menace que cela représente pour la recherche et l’éducation supérieure en France. Ils ont souligné cette menace en lien avec des attitudes nationalistes et xénophobes qui pourraient isoler la France de la communauté scientifique mondiale. D’autres institutions scientifiques, dont le Collège de France et l’Académie des sciences, ont aussi partagé leurs préoccupations.
En plus de ces communiqués solennels et publics, nous avons souhaité évaluer l’opinion des laboratoires de recherche. A cet effet, nous avons lancé un appel à témoignages sur le site du Monde, juste après le premier tour des législatives. Des dizaines de scientifiques de différentes disciplines ont répondu, exprimant leur « angoisse », « cauchemar », sentiment de terreur, d’impuissance, de stupéfaction, de tristesse et de peur. Toutes ces peurs émergent alors que le parti d’extrême droite reste silencieux en ce qui concerne son programme de recherche – nos demandes pour plus de détails restent sans réponse.
Le changement d’atmosphère décrit est parfois saisissant. Une docteur en biochimie, qui se décrit comme « noire » et qui reste anonyme, nous a confié qu’elle avait ressenti une hostilité environnante après les élections. Elle signale que le racisme serait un revers pour la recherche, repoussant les meilleurs talents, rendant la France moins attractive et lui faisant perdre de son influence. Elle ajoute que l’intelligence n’a pas de couleur.
L’accession du RN au pouvoir conduirait à la fin de l’accueil de collègues et étudiants étrangers, selon Christophe Peugeot, hydrologue à l’Institut de Recherche pour le Développement. Il souligne que la science est fondée sur le partage, l’échange et l’ouverture. Les statistiques confirment cette importance de l’internationalisation. Les universités français ont 7,5 % d’enseignants et chercheurs étrangers, mais cette proportion atteint 23,1 % dans les organismes publics de recherche comme le CNRS et près de 34 % dans les Instituts Pasteur et Curie. Dans les programmes doctoraux, près de 41% des étudiants étaient étrangers au cours de l’année universitaire 2020-2021. De 2019 à 2022, 63% des publications de recherche ont été co-écrites avec une institution étrangère. Le reste du contenu de l’article est dédié aux abonnés.
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