Nonobstant son anonymat actuel sur la scène politique, le parti Reconquête ! a clairement réussi, le dimanche 9 juin, à obtenir bien plus que cinq sièges au Parlement européen; c’est une victoire de survie. Comme l’a synthétisé Stanislas Rigault, membre de l’exécutif du parti d’extrême droite et candidat malchanceux à la sixième place, une fois que le seuil critique de 5% a été atteint, « Nous ne sommes pas vaincus ».
La célébration des premiers élus sous l’égide du parti d’Eric Zemmour, créé fin 2021, a été retardée en raison de l’attente de résultats confirmés, qui le placent à 5,5% selon les estimations du ministère de l’Intérieur lundi matin. Cependant, la fête a été totalement obscurcie par la dissolution du Parlement national, exigée par le Rassemblement national (RN) et décidée par Emmanuel Macron. Une image de la campagne électorale s’est dessinée, passée sous le signe du favori, Jordan Bardella.
Le choc généré par l’annonce du président de la République et l’anticipation d’un nouveau vote dans trois semaines ont repoussé les règlements de comptes attendus au sein de la direction de Reconquête ! Malgré cela, les têtes d’affiche n’ont pas réussi à feindre l’unité le soir de la « victoire ». Les discours de Eric Zemmour, président du parti radical et de Marion Maréchal, leader de la liste aux élections européennes, ont révélé le désaccord stratégique qui s’est transformé en conflit ouvert après l’hiver.
« Dans l’union se trouve la victoire »
L’ancien reporter du Figaro et son entourage ont longtemps critiqué la petite-fille de Jean-Marie Le Pen pour ne pas avoir directement pris pour cible Jordan Bardella. La nouvelle députée européenne, quant à elle, s’est vantée dans son allocution d’avoir été la meilleure promotrice de la « coalition des droites », proclamant : « C’est pour cela que j’ai toujours fait la distinction entre nos adversaires et nos rivaux, et que j’ai rejeté l’idée de concentrer nos attaques sur le RN. »
Il est hors de question pour Marion Maréchal de changer de position en prévision des prochaines élections législatives. « Je suis disposée à rencontrer, dans les prochains jours, Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan pour collaborer à l’alternative nécessaire pour notre pays », a-t-elle déclaré, sous le regard sceptique de son chef de parti. Dans une déclaration, ce dernier a rejeté la responsabilité de l' »union » sur ceux qu’il a toujours considérés comme des adversaires : « Il appartient donc aux leaders du RN et du LR [les Républicains] de nous informer s’ils souhaitent l’union pour la victoire, ou le monopole pour que rien ne se transforme. »
Suite à une longue réunion qui s’est prolongée jusqu’au milieu de la nuit, les dirigeants du RN n’ont pas paru particulièrement réceptifs aux sollicitations de Reconquête !. Laurent Jacobelli, député (RN) de Moselle et porte-parole du parti de Marine Le Pen, a écarté rapidement la question. « Pour le moment, ce n’est pas notre préoccupation. Ce n’est pas le temps pour les négociations ou intrigues, contrairement à ce que certains partis fébriles semblent pratiquer. » Le mouvement piloté par Jordan Bardella, qui espérait voir la liste de Marion Maréchal tomber à moins de 5% et accélérer la dégringolade des zemmouristes, est d’autant moins enclin à l’unification. Celui-ci est en tête dans les départements où l’essayiste est le plus populaire, comme le Var (43,2% pour le RN, contre 8,8% pour Reconquête !) ou les Alpes-Maritimes (37,7 %, contre 9,1 %).
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