Vendredi 24 mai, un peu après 16 heures, à Nouméa un événement local attire l’attention. Guy Raguin, une figure locale bien connue, offre un spectacle de magie à une vingtaine d’enfants réunis sous un petit chapiteau pop-up. Le bruit de leurs rires éclatants résonne sur la place Constantine, entourée de voitures brûlées. Malgré l’état chaotique des lieux, l’espoir persiste.
Comme de nombreux autres endroits dans la ville, cette place symbolise l’histoire coloniale de la nation, qui a refait surface de façon violente depuis le début de la crise il y a près de deux semaines. Le nom de la place vient du navire commandé par Tardy de Montravel, qui a accosté dans l’Anse de la Vallée du Tir, aujourd’hui l’un des plus anciens quartiers de Nouméa, en 1854, un an après que l’archipel a été revendiqué.
Pareillement à d’autres endroits, les débordements des deux premiers jours de révolte ont complètement étourdi la majorité de la population et dépassé largement les manifestants pacifistes, qui étaient mobilisés contre la réforme électorale qui a littéralement embrasé l’archipel.
C’est dans ce même quartier que les premières maison privées ont été incendiées, notamment celle où vivait le père de Sonia Backès, ancienne secrétaire d’Etat du gouvernement Borne et leader des Loyalistes (opposés à l’indépendance), qui est déterminée à faire aboutir la réforme électorale. Misère et prospérité se rencontrent souvent dans ce secteur, avec des maisons coloniales princières qui surplombent les logements sociaux densément peuplés par les Kanak et les Océaniens. Le père de la dirigeante non-indépendantiste a dû être évacué d’urgence par les membres du RAID.
« Nous nous sommes préparés pour le pire »
Dans une atmosphère de peur due aux rumeurs de « nettoyage ethnique », nombreux sont les résidents qui ont évacué leur logement de leur propre chef. Certains ont choisi de rester malgré tout, marqués de manière indélébile par la situation, mais ils refusent de partager leur histoire, craignant des représailles. Une femme kanak dans une quarantaine tentant de calmer la situation parcourt chaque maison. Il y a quelques jours, elle a découvert une vieille femme vietnamienne qui, privée de nourriture, n’avait pas quitté sa maison pendant plus d’une semaine.
Quelques-uns osent sortir brièvement de leurs logements, mais uniquement pour chercher de la nourriture. Jean-Marc, un Caldoche de 52 ans, est l’un des rares prêts à s’exprimer. Malgré tout, il ne compte pas quitter la vallée, craignant d’être coincé à l’extérieur de son quartier, loin de sa femme et de ses deux enfants. « C’est vraiment difficile sur le plan psychologique. On nous a menacés : ‘On entrera dans vos maisons et elles seront incendiées’. On s’est préparés au pire, nous avons passé des nuits blanches. C’est dur « , partage-t-il.
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