L’histoire débute par une déception. Un beau portrait de famille était anticipé par Elisabeth Borne à Matignon, le 28 octobre 2022. Cependant, une grande partie des cousins de province ont ignoré l’invitation. Parmi les figures politiques de Nouvelle-Calédonie, seuls les loyalistes, tant les radicaux que les modérés, ont répondu présents. Les dirigeants indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), des barons aux cheveux gris qui ont survécu à toutes les batailles depuis les années 1970, ont mis leurs dissensions de côté pour dire collectivement « non ». Ils refusent de reprendre le dialogue, du moins dans ces conditions.
Un dialogue s’impose pourtant pour mettre fin au long processus transitoire politique, inauguré en 1998 pour une durée prévue de vingt ans, en vertu de l’accord de Nouméa. C’est à la France qu’incombe la tâche de rédiger la suite de ce document majeur qui encadre la décolonisation. Ce texte admet « pleinement » l’identité kanak, met en place des institutions autonomes, et prévoit un rééquilibrage économique. « Sans perspective de retour en arrière », il élargit les limites de la Constitution française pour offrir à ce territoire du Pacifique et ses 270 000 résidents un statut fortement dérogatoire aux normes républicaines.
Le document spécifie : « Au bout de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accession à un statut international de pleine responsabilité et la définition de la citoyenneté en tant que nationalité seront soumis au vote des populations concernées ». Le texte ajoute aussi : « Le nombre de votants pour les élections locales sera limité aux personnes ayant une certaine résidence ». C’est ce point polémique dans l’ex-colonie de peuplement, qui engendre tous les compromis entre Européens et Kanaks. C’est tout un casse-tête.
Vers la fin de 2021, la communication entre l’Etat, les indépendantistes et les non-indépendantistes s’est rompue. Les deux référendums sur l’indépendance prévus par accord en 2018 et 2020 ont eu lieu, mais le troisième a été boycotté. Le FLNKS souhaitait qu’il soit repoussé après l’élection présidentielle de 2022, mais Emmanuel Macron n’a pas suivi cette voie. Son entourage affirme que Macron a fait preuve de courage en organisant trois référendums sur l’indépendance. Le 12 décembre 2021, les Néo-Calédoniens ont effectivement choisi de rester dans la République, malgré un taux d’abstention de 56,1%. Roch Wamytan, le président indépendantiste du Parlement local(Union calédonienne-FLNKS) a rejeté ce « référendum de l’Etat français », créant ainsi un dilemme.
L’exécutif parisien estime que le temps est venu de tracer le futur, étant donné la transformation radicale de la Nouvelle-Calédonie depuis la quasi-guerre civile des années 1984-1988. Dans un climat paisible, elle a prospéré et s’est diversifiée culturellement. Les « victimes de l’histoire », descendants des Kanak, des déportés ou des « indigènes » exploités lors de l’empire colonial, sont tous rassemblés dans la « nation » calédonienne. Même les non-indépendantistes affirment : « Nous sommes plus Calédoniens que Français ».
La partie restante 80.33% de l’article est disponible pour les abonnés.
Laisser un commentaire