Lionel Jospin, l’ancien Premier ministre socialiste (1997-2002), s’exprime rarement dans les médias, et plus rare encore, sur les politiciens actuels. Son apparition sur l’émission de France Culture « Avec philosophie » le 15 février était donc exceptionnelle à bien des égards.
Lorsqu’il a été invité à réfléchir sur les différents types de défis que pose l’exercice du pouvoir au plus haut niveau, Jospin, mari de la philosophe Sylviane Agacinski et membre de l’Académie française, était dans son élément. Questionné sur la « puissance de la volonté politique » pour un chef de gouvernement, l’homme qui est devenu ministre à 50 ans et qui a été nommé à Matignon à 60 ans, soutient que cette volonté politique doit être fondée sur une expérience.
Premièrement, une expérience professionnelle : dans sa propre génération, rappelle l’ancien professeur d’économie, la plupart de ceux qui entouraient François Mitterrand avaient une carrière. Ils n’ont pas été formés dans les bureaux ministériels ou en tant qu’attachés parlementaires, Ils exerçaient un métier et avaient donc une connaissance de la société.
Deuxièmement, il y a l’expérience d’être élu local qui, selon Jospin, a apporté beaucoup d’aide. C’était à travers cette expérience qu’ils ont commencé à comprendre ce que signifiait avoir une responsabilité, un pouvoir.
Enfin, l’expérience d’être militant au sein d’un parti actif, où il y avait des débats et des discussions, a été vantée par Jospin, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste. Il a ajouté une « quatrième expérience », celle de « l’opposition ». Avant l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée en 1981, ils ne savaient pas s’ils accéderaient au pouvoir, avoue-t-il.
Lionel Jospin, maintenant âgé de 86 ans, estime que la politique actuelle manque d’expérience, de méthodologie et de démocratie profonde. Il encourage la gouvernance Macron, malgré ses lacunes, à ne pas négliger l’Etat. L’ancien trotskiste avertit que l’administration supérieure dans un pays comme la France ne devrait pas être délaissée ou perturbée sans conséquences. Il fait probablement allusion à la reforme actuelle de la haute fonction publique et globalement, aux incertitudes de la direction politique. « Je crois que nos dirigeants n’ont pas assez de respect pour l’Etat et ne comprennent pas assez la société » concède finalement l’homme qui a été expulsé dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s’est qualifié pour le deuxième tour contre Jacques Chirac. L’enfant du renvoi politique prononce cette réprimande de deux minutes et demie qui est restée étonnamment inaperçue en février, mais qui a été beaucoup partagée sur les réseaux sociaux à quelques semaines des élections européennes du 9 juin.
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