Le mardi 2 avril, le Sénat a adopté une version largement modifiée d’un projet de loi constitutionnel sur la Nouvelle-Calédonie, malgré l’opposition du gouvernement (avec 233 voix pour et 99 contre). Cette version élargie du texte traite du corps électoral pour les prochaines élections provinciales du territoire avant 2025 – un vote qui déterminera l’avenir du parlement local et du gouvernement de Nouméa, actuellement dirigés par des indépendantistes.
Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sous pression des loyalistes, a poussé pour une réforme concernant le corps électoral depuis plusieurs mois – un sujet très délicat. En effet, les listes avaient été figées en 2007 suite à une exception constitutionnelle, en raison d’une politique cherchant à rééquilibrer les forces en faveur des Kanak. Cela a placé le sujet au cœur du pacte calédonien, comme l’indiquent les accords de Matignon de 1988 entre la droite locale et le Front de libération kanak et socialiste (FLNKS).
Avec l’aide de Philippe Bas et François-Noël Buffet, membres du groupe Les Républicains (LR), la commission des lois du Sénat a réussi à convaincre les centristes et le Rassemblement national (RN) de soutenir plusieurs amendements pour assouplir le calendrier imposé par l’exécutif.
« Nous serons responsables du désordre », ont-ils déclaré.
M. Darmanin a été critiqué par la gauche pour avoir essayé d’imposer une décision. Il avait espéré conclure un accord politique sur le futur statut avant le 1er juillet et organiser des élections provinciales avant le 15 décembre, ou à repousser si nécessaire jusqu’en 2025 par décret. Mais un amendement a éliminé cette autorisation du pouvoir réglementaire, irritant grandement le ministre de l’intérieur qui a souligné le danger que représente le fait de ne pas pouvoir organiser les élections prévues initialement en mai 2024. M. Buffet a insisté mardi sur le fait que « nous étions tous d’accord pour dire « non » à la privation du Parlement de ses prérogatives ».
Le vote solennel du Sénat a lieu alors que la tension politique s’intensifie à Nouméa, dans un contexte de crise du secteur du nickel et de l’incapacité à se mettre d’accord sur le futur statut du territoire, en discussion depuis deux ans. Les deux camps ont manifesté, un contre l’autre, le 28 mars. Sonia Backès, leader des loyalistes et ancienne secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, a déclaré à cette occasion : « Si on essaye de nous piétiner, c’est nous qui créerons le chaos. »
Les indépendantistes à Nouméa se sont mobilisés en grand nombre lundi pour protester contre la réforme. Ils ont été exhortés à rester calmes. Robert Xowie, le premier sénateur indépendantiste élu avec un maire de droite, Georges Naturel (membre des Républicains), grâce à un accord conclu pour écarter Mme Backès, a commenté le mardi : « Les discours électoralistes, c’est regrettable, cela vaut aussi pour nous. » Les loyalistes manifesteront à nouveau le 13 avril.
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