L’université de Bretagne-Occidentale a connu une affluence presque complète dans son amphi 600 le vendredi 29 mars. Environ 400 étudiants en droit, en première année de licence, se sont regroupés pour leur dernier cours du semestre. Bien que les examens soient en vue, la véritable opportunité était d’écouter l’ancienne première ministre, Elisabeth Borne, qui s’est rendue en personne à Brest, dans le Finistère, à l’invitation de l’ancien Garde des sceaux socialiste, Jean-Jacques Urvoas, qui est maintenant professeur de droit constitutionnel. Pendant presque deux heures, elle a présenté les principales leçons tirées de ses vingt mois de mandat à Matignon.
L’échange entre Mme Borne et les étudiants a commencé par une citation du juriste Pierre Avril, spécialiste de la Ve République : « Le Premier ministre, s’il n’existe pas, il manque ; s’il existe, il inquiète. » Édouard Balladur, premier ministre sous François Mitterrand, parlait de « la tâche la plus ardue de la Cinquième République, qu’on ne peut quitter que par le sacrifice ou la défaite ».
Elisabeth Borne, qui a retrouvé son rôle de députée Renaissance du Calvados après sa démission le 8 janvier, admet la dimension sacrificielle du rôle de premier ministre, surtout dans le contexte d’une Assemblée nationale avec une majorité relative, composée de forces politiques aux intérêts indissociables. « Naturellement, une telle situation a grandement influencé mon rôle en le mettant en évidence et en l’exagérant », admet Mme Borne. Elle décrit ce rôle comme étant « extrêmement prenant », jouant le rôle d’une « charnière » entre le président qui cherche à mettre en œuvre légitimement le programme sur lequel il a été élu, et un Parlement qui n’a pas la majorité pour cela.
La complexité politique se manifeste notamment par les 23 invocations de l’article 49.3 par le gouvernement pour garantir l’adoption des budgets 2023 et 2024, ainsi que l’implémentation de la réforme majeure du second mandat d’Emmanuel Macron – la réforme des retraites. « J’ai assumé mes responsabilités, prête à accepter un rôle de parachute, comme le stipule la Constitution », a-t-elle expliqué.
Points de vue percutants
Elisabeth Borne, sans jamais prononcer le nom d’Emmanuel Macron, révèle subtilement les facettes de son rapport politique et institutionnel avec le président pendant son mandat à Matignon. Elle déclare: « Habituellement, les présidents pensent que le progrès n’est pas suffisamment rapide et que sans leur intervention, les choses ne bougent pas. » La critique sans détours de Borne sur l’exercice du pouvoir ne s’arrête pas là. « L’implication accrue du président dans les affaires du gouvernement vient inévitablement au détriment de son rôle de chef d’État, garant des institutions et symbole de l’unité de la nation. (…) Je pense aussi que la forte présence du président dans les affaires jour à jour réduit la capacité du Premier ministre d’agir en tant que bouclier ou décharge pour le chef de l’État. »
60,2% du contenu de cet article reste à lire pour les abonnés.
Laisser un commentaire