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Un mois après la publication du rapport de la Commission Sauvé, le 8 novembre, les évêques catholiques, réunis à Lourdes, ont annoncé « des gestes » et un « échéancier » de mesures pour lutter contre la pédocriminalité dans l’ Église et indemniser les victimes.
Un mois après la publication de la Commission Sauvé – qui a rapporté les abus sexuels de 216.000 victimes par des religieux depuis 1950 et de 330.000 personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Eglisecatholique – 120 évêques se sont réunis à Lourdes pour discuter de la situation.
Un premier pas a été franchi vendredi, les évêques ont reconnu « la responsabilité » de l’Église catholique dans les crimes sexuels commis par des prêtres et religieux et leur dimension « systémique » depuis 1950.
Ce lundi matin, les évêques devront prendre des décisions importantes lors d’un vote à huis clos, après plusieurs jours de travail.
Celles-ci se veulent « la traduction concrète » des recommandations formulées par le Ciase, a déclaré Mgr Luc Crépy, évêque de Versailles et président du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la Conférence des évêques de France (CEF).
Les thèmes abordés à Lourdes étaient nombreux : “versement financier (aux victimes, ndlr) et financement” d’un fonds, “prévention et formation”, “gouvernance et contrôle”, “doctrine, droit canonique et justice” ou “responsabilité et reconnaissance”.
La principale question concerne toutefois l’indemnisation des victimes.
En fait, certaines mesures, à long terme, sont de la responsabilité du Vatican, mais d’autres, plus rapidement applicables, sont de la compétence de l’Église de France.
« Toutes les demandes seront honorées », a assuré le porte-parole de la CEF, Hugues de Woillemont.
Les victimes d’actes prescrits, et d’autres encore, seront également indemnisées.
« Nous sommes dans la perspective d’un processus de réparation » avec « un travail d’accueil des personnes victimes, d’écoute, de reconnaissance de ce qu’elles ont subi, de médiation et de réparation, avec une dimension financière », a expliqué à la presse Luc Crépy.
Un organisme national indépendant examinera les demandes d’indemnisation.
Le nom du président n’est pas encore connu et sera annoncé vendredi. Selon une source proche du dossier, il s’agira d’une femme magistrat spécialisée dans la protection de l’enfance. Dans tous les cas, c’est le président qui déterminera la commission.
Les évêques vont donc examiner « les dégâts » causés chez chaque victime, ont confirmé à l’AFP Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg.
Le modèle belge sera probablement suivi. Cela signifie que « quatre niveaux d’indemnisation, allant de 2500 à 25.000 euros » seront définis.
Les montants des indemnisations ne seront pas connus immédiatement, notamment parce qu’ils devront d’abord être harmonisés avec le système en vigueur pour les victimes de religieux dans les congrégations ou instituts.
Au printemps dernier, après de nombreuses accusations de pédophilie au sein de l’Église – avant même la Commission Sauvé – l’Église a créé un fonds de dotation spécifique. Celle-ci était financée par les évêques et les prêtres, mais surtout par les fidèles.
Toutefois, des problèmes sont survenus à cet égard :
« Le chemin qui s’ouvre devant nous est abyssal. Nous avions pensé à cinq, six, huit millions d’euros, en fait aujourd’hui il faudra peut-être compter en centaines de millions d’euros », a déclaré l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel.
Cependant, pour la Conférence des évêques de France (CEF), ce n’est pas facile.
Le président de la CEF, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, a reconnu que « la Ciase critique sévèrement le système que nous avons monté, donc il nous faut reprendre notre copie ». Mais il a ensuite déploré les fantasmes sur la richesse de l’Église catholique, qui, selon lui, ne vit que des dons des fidèles.
« Toutes nos ressources, ce sont des dons des fidèles. Nous n’avons aucune autre ressource. Par conséquent, demander aux associations diocésaines de financer ces réparations, c’est, de fait, demander aux fidèles de payer ».
Si l’on additionne tous les dons faits à tous les diocèses, les ressources actuelles de l’Église catholique française sont supérieures à 500 millions d’euros par an.
La moitié de cet argent est utilisé pour les salaires des 15 000 prêtres et des 8 000 laïcs. Trente pour cent sont utilisés pour les biens immobiliers, l’entretien des églises diocésaines et des bâtiments paroissiaux appartenant à l’institution. Le reste, soit 20 %, est destiné aux dépenses ordinaires.
L’Église possède en outre un trésor, une réserve d’argent, d’une valeur de 500 millions d’euros. Celle-ci est constituée des dons et legs des fidèles, ainsi que de divers investissements.
Cette dotation permet de prendre en charge matériellement les prêtres, dont les pensions sont très faibles, jusqu’à leur décès.
Une solution pourrait être de vendre les biens immobiliers de l’Église.
« Il faut que ce soit l’institution qui soit amputée, c’est une évidence pour moi », affirme l’archevêque de Strasbourg Luc Ravel. Et « s’il faut vendre des biens immobiliers, on vendra », affirme un autre évêque sous couvert de l’anonymat.
L’épiscopat réfléchit aussi à un « geste symbolique », a affirmé Luc Ravel. « La question de vendre le bâtiment de la CEF (avenue de Breteuil à Paris, ndlr) a jailli », a-t-il ajouté, sans autre détail.
Mais tout le monde n’est pas d’accord.
« Je ne vois pas bien comment on va vendre des églises qui, en grande majorité, ne nous appartiennent pas. Pour les églises construites dans la banlieue parisienne, dans la banlieue lyonnaise ou bien dans les nouveaux quartiers de Rennes ou de Nantes, je ne vois pas très bien qui va se porter acquéreur de nos églises » a déclaré Ambroise Laurent, secrétaire général du CEF.
« Ce n’est pas un patrimoine immobilier de taille gigantesque. Notre patrimoine est essentiellement cultuel » a-t-il affirmé.
Enfin, il existe un obstacle législatif aux demandes du CIASE.
Il existe une loi, créée en 1905, qui règle l’utilisation des ressources financières de l’Église. Selon ce texte, les dons des fidèles ne peuvent être utilisés que pour les dépenses et l’entretien du culte.
C’est pour cette raison que l’Église a créé ce fonds de donation spécifique, qui était aussi financé « à titre privé » par les évêques.