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Une enquête, publiée dans la revue scientifique Global Encironmental Change, a montré que Total était consciente des conséquences de son activité sur le climat dès 1970. Malgré cela, pendant longtemps, rien n’a été fait pour réguler la situation.
Christophe Bonneuil, directeur de recherche au CNRS, Pierre-Louis Choquet, sociologue à Sciences Po, et Benjamin Franta, chercheur en histoire à l’Université de Stanford.
Ce sont les noms des auteurs de l’article publié dans la revue Global Environmental Change, présentant les résultats d’études sur les archives de la compagnie pétrolière TotalEnergies. L’article a été publié le mercredi 20 octobre et concerne « les réactions de Total et Elf face au réchauffement climatique ».
« La circulation atmosphérique pourrait s’en trouver modifiée, et il n’est pas impossible, selon certains, d’envisager une fonte au moins partielle des calottes glaciaires des pôles, dont résulterait à coup sûr une montée sensible du niveau marin. Ses conséquences catastrophiques sont faciles à imaginer… »
C’est ce qu’a écrit un expert français du climat en 1971 dans Total Information, le magazine interne de l’entreprise.
La publication explique que la combustion d’énergies fossiles conduit « à la libération de quantités énormes de gaz carbonique » et à une augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère. Une « augmentation […] assez préoccupante ».
Ce texte a été suivi d’un rapport confidentiel de 1986, rédigé par la direction de l’environnement d’Elf, qui indiquait que « l’accumulation de CO2 et de CH4 [le méthane] dans l’atmosphère et l’effet de serre qui en résulte vont inévitablement modifier notre environnement. Tous les modèles sont unanimes à prédire un réchauffement ».
Les conséquences des activités de l’entreprise sur le climat sont donc connues depuis au moins 50 ans, mais, notent les chercheurs, rien n’a jamais été fait pour y remédier.
Bonnueil, l’un des auteurs de l’article, parle de « schizophrénie ».
« Il y a un décalage entre ce qui est dit en interne et le discours qui était porté vers l’extérieur, vers les décideurs politiques, les arènes internationales, le gouvernement français ou la communauté européenne. Là, au contraire, il y a l’idée de ‘ne pas agir trop vite puisqu’il y a beaucoup d’incertitudes’, en contradiction déjà avec les conclusions du premier rapport du Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en 1990 ».
En effet, dans les années 1990, différents dirigeants de Total ont déclaré que la question était incertaine, que « ces phénomènes sont pauvrement compris, la corrélation n’est pas prouvée (…) Les chercheurs sont divisés ».
Il a été dit que « il n’existe aucune certitude sur l’impact des activités humaines, parmi lesquelles la consommation d’énergies fossiles ».
Ils ont insisté sur les doutes des scientifiques concernant l’effet de serre, ou sur l’idée que les politiques de protection de l’environnement étaient en fait une charge pour les contribuables et les consommateurs.
Une tentative a été faite pour « montrer que contrairement à une idée à la mode, l’écologie est plus destructrice que créatrice d’emplois ».
Parallèlement Total et Elf ont fait « pression, avec succès, contre les politiques qui visaient à réduire les émissions de gaz à effet de serre », tout en cherchant à se doter d’une crédibilité environnementale à travers des engagements volontaires.
Le directeur de l’environnement d’Elf de 1983 à 2000 (puis de Total depuis 2003), Bernard Tramier, a commenté ce document :
« Les relations que j’avais dans le cadre de mon monde environnemental et scientifique me faisaient penser que c’était vrai, que ce problème [du réchauffement climatique] allait surgir. Et puis, il y avait une ligne qui était plus une ligne économico-financière qui disait ‘oui mais peut-être qu’on peut voir, il n’y a pas urgence‘, qu’il fallait y aller doucement ».
À la fin des années 1990, l’approche a changé, mais le résultat est resté le même:
« L’industrie pétrolière française cesse de remettre en cause publiquement les sciences climatiques, mais continue à augmenter ses investissements dans la production pétrolière et gazière », à insister sur « l’incertitude, minimisant l’urgence (climatique) et à détourner l’attention des énergies fossiles comme cause première du réchauffement » climatique mondial ».
« La nouveauté est qu’on pensait que seul Exxon et les groupes américains étaient dans la duplicité. On s’aperçoit que nos champions pétroliers français ont participé à ce phénomène au moins entre 1987 et 1994 », explique Christophe Bonneuil, parlant d’une « fabrique de l’ignorance ».
Interrogé sur le sujet, le service de presse de Total (qui a absorbé Elf en 1999) a déclaré qu’il est « faux de soutenir que le risque climatique aurait été tu par Total dans les années 1970 ou ensuite, dès lors que Total suivait l’évolution des connaissances scientifiques disponibles publiquement ».
Toutefois, dans les années 2000, la situation s’est inversée : lors d’une conférence sur le changement climatique en 2006, le PDG de Total de l’époque, Thierry Desmaret, reconnaît la réalité du changement climatique et les conclusions du Giec. Pour la première fois, donc, « les dirigeants de Total […] reconnaissaient l’existence du changement climatique et le lien avec les activités de l’industrie pétrolière »
Total a donc commencé à promouvoir « une division des rôles entre la science et les affaires, où la science décrit le changement climatique et les entreprises prétendent le résoudre ».
Depuis 2015, l’entreprise a pour objectif d’ « être un acteur majeur de la transition énergétique ».
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