L’interdiction du port du voile intégral en France dans les lieux publics sera discutée ce mercredi 27 novembre à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Cette jeune Française, qui souhaite garder l’anonymat et n’a divulgué que ses initiales, S.A.S., conteste l’interdiction qui stipule que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ».
La loi, votée fin 2010, prévoit pour les contrevenants une amende maximale de 150 euros et/ou un stage de citoyenneté. La jeune femme considère qu’elle viole ses droits fondamentaux. Sa requête a été déposée à la Cour européenne le jour même de l’entrée en vigueur du texte, le 11 avril 2011.
La discrète S.A.S. ne fera pas elle-même le déplacement pour cette audience, ont fait savoir ses avocats.
Elle est représentée devant la Cour de Strasbourg par un cabinet de Birmingham (Royaume-Uni) spécialisé dans les affaires d’immigration et de droits de l’homme. « Nous espérons surtout faire admettre le caractère discriminatoire de cette loi française », a indiqué à l’AFP l’un d’eux, Me Sanjeev Sharma.
Musulmane pratiquante, S.A.S. dit porter la burqa et le niqab, ce voile porté sur le visage qui ne laisse voir que ses yeux, « pour être en accord avec sa foi, sa culture et ses convictions personnelles », selon les arguments écrits qu’elle a fournis à la CEDH. Elle y souligne que ni son mari ni aucun autre membre de sa famille ne font pression sur elle pour cela.
S.A.S précise porter le niqab « en public comme en privé, mais pas de façon systématique ». Elle accepte de ne pas le porter tout le temps dans l’espace public, mais « souhaite pouvoir le faire quand tel est son choix, en particulier lorsque son humeur spirituelle le lui dicte ». Son objectif n’est « pas de créer un désagrément pour autrui mais d’être en accord avec elle-même », résume-t-elle.
Elle se dit d’accord pour montrer son visage lorsqu’elle se trouve en situation de subir un contrôle, quand elle se rend dans une banque ou prend l’avion.
Ses avocats ont décidé de s’appuyer sur de nombreux articles de la Convention européenne des droits de l’homme, que la CEDH est chargée de faire respecter. Outre la discrimination, ils mettent aussi en avant la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’interdiction des traitements dégradants, le respect de la vie privée et familiale, la liberté d’expression, ou encore la liberté de réunion et d’association.
Les autorités françaises entendent plaider pour leur part un rejet pur et simple de la requête de Mme S.A.S.. Dans leur argumentaire écrit fourni à la Cour, leurs représentants relèvent que deux autres dossiers sur le même thème, déjà rejetés par la CEDH, avaient été préparés « par le même cabinet d’avocats, sur le même modèle ».
Ils se félicitent que « la moitié des 2.000 femmes se couvrant d’un voile intégral ont décidé de l’ôter avant l’entrée en vigueur de la loi ».
L’interdiction du voile intégral fait débat au sein même du Conseil de l’Europe, dont la CEDH est le bras juridique. En 2010, au moment de son examen au parlement à Paris, le Commissaire aux droits de l’homme de l’organisation paneuropéenne, le diplomate suédois Thomas Hammarberg, avait publié une tribune remarquée. « L’interdiction de la burqa et du niqab ne libèrerait pas les femmes opprimées mais pourrait, au contraire, aggraver leur exclusion dans les sociétés européennes », estimait-il.
Plusieurs ONG, dont Amnesty International, ont pris le parti de S.A.S. dans cette procédure. La législation française en question avait été initiée par un parlementaire communiste, puis reprise par la majorité de droite de l’ex-président Nicolas Sarkozy.
Dans son argumentaire, le gouvernement français actuel à majorité socialiste souligne les « objectifs légitimes qu’elle poursuit, outre la sécurité publique ». Et il dénonce « le caractère intrinsèquement discriminatoire au détriment des femmes de la pratique du voile intégral ».
Les juges européens devraient rendre leur arrêt début 2014.
Avec AFP.
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