Le gouvernement de Barnier a dévoilé progressivement les lignes directrices de sa politique budgétaire stricte. Le dimanche 27 octobre, des nouvelles mesures ont été proposées pour durcir les conditions d’arrêt maladie des employés de l’État en utilisant deux moyens d’action :
– Ils envisagent de stopper le paiement pendant le deuxième et le troisième jours de congé maladie en passant le délai de carence de un jour à trois jours ;
– Ils souhaitent abaisser la compensation des salariés de l’État en congé de maladie à 90 % de leur salaire habituel, par rapport aux 100 % actuels.
On s’attend à ce que ces initiatives, qui seront introduites à travers des amendements au projet de loi budgétaire lors de la prochaine reprise du débat sur le budget à l’Assemblée nationale le 5 novembre, permettent d’économiser 1,2 milliard d’euros par an pour le gouvernement (289 millions d’euros grâce à l’augmentation de la carence et 900 millions d’euros grâce à la réduction des salaires). Cependant, le gouvernement argumente également sur un point de justice, affirmant que ces mesures aligneraient les conditions des employés du secteur public sur celles du secteur privé et serait un moyen de lutter contre le ‘absentéisme » des fonctionnaires. Néanmoins, plusieurs études publiées au cours des dernières années remettent en question cette affirmation.
Cette initiative pourrait entraîner une hausse des congés de longue durée et affecter particulièrement les femmes. Pour évaluer l’impact de l’implémentation de jours de carence dans le secteur public, nous pouvons nous référer à de précédents historiques : le premier jour de carence a été effectivement instauré par la droite en 2012, supprimé par les socialistes en 2014, puis de nouveau mis en place par le gouvernement d’Édouard Philippe en 2018.
Selon un rapport publié en 2024 par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales qui ont examiné la réintroduction du jour de carence en 2018, cette mesure a permis de réduire la prévalence des congés maladie de moins de trois jours d’environ 11%, et celle des absences de moins de quatre jours d’environ 10%.
Une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiée en 2017 soutenait une conclusion semblable concernant les arrêts courts : les congés de deux jours ont diminué de moitié entre 2012 et 2014. Cependant, durant cette période, les congés maladie d’une semaine à trois mois ont eux augmenté de 25%. En d’autres termes, il y avait moins d’absences courtes, mais davantage d’absences prolongées.
L’Insee clarifiait que l’introduction du jour de carence en 2012 n’avait pas entraîné une baisse significative de l’absentéisme chez les fonctionnaires. Il suggérait que certains fonctionnaires malades pouvaient hésiter à s’arrêter pour se faire soigner en raison du coût du premier jour non payé, ce qui pourrait aggraver leur état de santé et finalement conduire à des absences plus longues.
Des conclusions similaires peuvent être trouvées dans d’autres études récentes de l’Insee, comme celle sur l’impact du jour de carence sur l’absentéisme des employés de l’éducation nationale, publiée en juillet 2024. Selon cette étude, l’instauration du jour de carence peut pousser les personnes malades à continuer de travailler, et ne diminuerait pas nécessairement le nombre d’absences non justifiées.
Une détérioration de la santé, une récidive accrue des symptômes et une augmentation des dépenses publiques peuvent résulter de la présence de personnes atteintes de maladies infectieuses sur le lieu de travail, où elles risquent d’augmenter le taux d’infection, ce qui peut également entraîner une baisse de la productivité individuelle et collective.
Une récente étude indique que la réinstauration du jour de carence dans le secteur public depuis 2018 a considérablement réduit les absences pour maladie de courte durée, tout en augmentant légèrement les absences de plus de trois mois. Cette mesure a eu un impact financier plus important sur les femmes, qui sont plus souvent en arrêt maladie que les hommes.
L’approche du gouvernement pour justifier cette mesure repose sur l’idée d’un alignement du secteur public sur le secteur privé, où la règle générale veut que les travailleurs ne reçoivent des indemnités journalières de la Sécurité sociale qu’après une période de carence de trois jours. Cependant, la réalité est différente en fonction des entreprises, qui suivent souvent des réglementations plus avantageuses. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, deux tiers des employés du secteur privé sont en réalité « protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence grâce à la provision de l’entreprise ».
Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction publique, a tenté de minimiser ces chiffres lors d’une interview à RTL le 29 octobre, en déclarant que « dans le privé, cela dépend des conventions collectives et il y a 650 conventions collectives ».
Selon l’enquête récente de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé sur « la protection sociale complémentaire des entreprises », bien que quelque peu datée (2017), donne des détails précis. Basée sur plus de 6 000 entreprises employant près de 325 000 personnes, l’étude indique que 63.5% des employés travaillaient pour des entreprises qui indemnisaient totalement ou partiellement les trois premiers jours d’absence pour cause de maladie. En revanche, selon la même étude, seulement 33.8% des employés étaient dans des entreprises qui ne fournissaient aucune indemnisation pour les jours de carence.
L’étude révèle des disparités importantes entre les différentes catégories socio-professionnelles en matière d’indemnisation, un point déjà mis en évidence par une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en 2015. Les employés dont l’employeur couvre le délai de carence appartiennent souvent à des groupes sociaux plus privilégiés et bénéficient généralement de meilleures conditions de travail que ceux qui ne sont pas couverts.
L’introduction de deux jours supplémentaires de carence pour les fonctionnaires pourrait non seulement affecter leur alignement avec le secteur privé, mais pourrait également rendre leur régime plus défavorisé que celui de la majorité des employés du secteur privé.
L’adoption d’une indemnisation à 90% pourrait faire économiser de l’argent, mais serait injuste en comparaison avec le secteur privé. Pour justifier la réduction du salaire versé aux fonctionnaires lorsqu’ils sont en arrêt de travail, le gouvernement utilise l’argument d’un alignement avec les règles du secteur privé. Comme l’a déclaré Guillaume Kasbarian sur RTL, « aujourd’hui, dans le secteur public, c’est couvert à 100%. Cela passera à 90% : c’est le cas de la règle générale dans le privé ».
En fait, la législation du travail stipule que l’employeur du secteur privé doit compléter les indemnisations de l’Assurance-maladie (qui paie 50% du salaire brut) pour atteindre 90% du salaire brut, et cela pour une durée de trente à quatre-vingt-dix jours, en fonction de l’ancienneté du travailleur. Ce que le ministre ne mentionne pas, c’est qu’environ 70% des employés du secteur privé jouissent d’un accord de branche ou d’entreprise plus favorable, qui maintient leur salaire à 100%, comme indiqué dans le rapport de l’inspection générale des finances et des affaires sociales. Par conséquent, la « règle » actuelle d’indemnisation à 100% dans le secteur public correspond plus étroitement à la façon dont le secteur privé fonctionne qu’un passage à 90% d’indemnisation ne le ferait. Contribuer, réutiliser ce contenu.
Dans un message publié sur Twitter, le ministre ukrainien des affaires étrangères, M. Kuleba, a appelé la population à boycotter trois entreprises bien connues.