Cette semaine, deux exploreations portant sur les divisions et les incertitudes de la société américaine figurent parmi les choix du « Monde des livres », particulièrement avec les élections cruciales en vue. On retrouve « Interpréter la Constitution américaine », écrit par Stephen Breyer, un ancien juge de la Cour suprême des États-Unis, ainsi que « La Ville d’après. Detroit, une enquête narrative » de Raphaëlle Guidée. Parmi les autres sélections, figure un roman d’Abigail Assor qui parle des ombres de la jeunesse, un autre de Fabrice Melquiot racontant une jeune femme en pleine dérive et renaissance, et la reédition de la trilogie « Country Girls » de la défunte Edna O’Brien.
ESSAI. « Interpréter la Constitution américaine » de Stephen Breyer
Nommé en 1994 à la Cour suprême et ayant démissionné en 2022, Stephen Breyer a vu la Cour se métamorphoser en un champ conflictuel, qui attaque l’essence même de la démocratie. Neuf juges, et six d’entre eux nommés par des présidents républicains : une situation que tous connaissent. Mais, cette disproportion partisane n’explique pas entièrement les enjeux. Une analyse juridique s’impose.
C’est ce que Breyer met en œuvre dans son remarquable ouvrage, où il fait valoir une doctrine juridique, l' »intentionnalisme », contre une autre, l' »originalisme », qui a été la base de nombreuses décisions récentes de la Cour suprême. Il définit cette « méthode d’interprétation » comme une façon d’attribuer « une valeur décisive au sens donné au texte par les fondateurs de la Constitution ou par leurs contemporains ».
En 1819, John Marshall, alors juge en chef de la Cour suprême, affirmait que « une Constitution est censée perdurer à travers les siècles ». Il établissait ainsi les fondements de l’intentionnalisme, qui cherche à identifier les « valeurs essentielles » présentes dans les intentions des législateurs, des valeurs transversales à toutes les époques mais qui s’appliquent différemment en fonction du contexte spécifique. L’originalisme marque une rupture drastique avec cette perspective progressiste face à l’évolution du monde.
Stephen Breyer décrit avec une acuité impressionnante cette rupture, qui cherche à imposer une vérité immuable. Il déplore la violence inhérente à cette approche où le présent est envisagé comme une version dégradée de l’humanité. Cette confrontation est également liée à celle qui risque d’enflammer le pays.
Dans un autre contexte, Raphaëlle Guidée explore l’évolution du capitalisme dans son livre « La Ville d’après ». Elle prend l’exemple de Detroit, une ville qui a déclaré faillite en 2013 avec près de 18 milliards de dollars de dette, et qui connaît maintenant une renaissance. Guidée observe avec scepticisme l’optimisme des investisseurs qui estiment que la prospérité renouvelée de certains quartiers finira par rejaillir sur les zones plus défavorisées de la ville.
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