Lorsqu’on parle des dépendances de l’Homo sapiens, on envisage généralement le tabac, l’alcool, le sucre, d’autres substances, le jeu ou éventuellement le sexe. Cependant, on oublie souvent la plus dominante de toutes : notre constante soif d’énergie. Comme l’écrit le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin dans son livre intitulé La Tyrannie du cerveau (Robert Laffont, 320 pages, 21 euros), nous sommes « la seule espèce à avoir la faculté d’extrapoler de l’énergie de notre environnement de manière presque sans limites, au-delà des simples besoins alimentaires ».
Cette quête incessante d’énergie trouve son origine dans les besoins énergétiques de l’organe qui nous distingue le plus des autres grands singes : notre cerveau.
Il serait plus approprié de dire notre cerveau surdimensionné. Il est environ trois fois plus grand que celui de nos cousins les plus proches, les chimpanzés. Bien qu’il ne représente que 2% de la masse corporelle d’un adulte, il consomme 20% de son énergie. C’est relativement faible comparé aux 40% à 50% d’énergie consommés par le cerveau d’un nouveau-né et aux presque 70% alloués au développement du cerveau chez un enfant de 5 ans! Sur la base de ces statistiques étonnantes, Jean-Jacques Hublin choisit de raconter l’évolution de l’humanité à travers le prisme du cerveau et de l’influence qu’il a eue sur notre physiologie et nos comportements.
Carnivore, chasseur et cuisinier
En vue d’accueillir un tel dévoreur dans sa constitution corporelle, divers ajustements, relocalisations et délocalisations sont nécessaires, à l’image d’une usine cherchant à mettre à jour ses méthodes de production. C’est ainsi que l’Homo tente de repérer une source d’énergie de meilleure qualité comparée aux plantes et devient un carnivore plus gourmand que tout autre primate. Jean-Jacques Hublin met l’accent sur le fait que nos prédécesseurs, dotés de matériels taillés dans la pierre, étaient capables de fracturer les os de leurs proies pour amasser la graisse de la moelle, un tissu riche en calories. A cet égard, ils étaient non seulement des carnivores, mais aussi des chasseurs et des cuisiniers, la cuisson contribuant à réduire l’usure des appareils masticateurs et digestifs.
La position verticale, entrainant un désavantage en matière de consommation énergétique lorsqu’on se déplace sur deux jambes, pose un problème obstétrique majeur pour une femme en gestation, à mesure que la tête du fœtus grossit; celle-ci risque de ne pas émerger du ventre maternel. Une solution intermédiaire a été trouvée : donner naissance à des nouveau-nés pas complètement développés et reporter la croissance de leurs cerveaux après la naissance, pendant une enfance particulièrement longue. Cela occasionne par ricochet des contraintes pour la mère et, plus généralement, pour toute son entourage, qui doit se préparer sur les aspects socio-économiques et technologiques pour répondre aux besoins caloriques de ses jeunes individus non productifs.
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