L’effondrement d’un pont à Dresde, les retards constants et les annulations fréquentes des services ferroviaires de la Deutsche Bahn, des infrastructures numériques insuffisantes, un réarmement inadéquat et sous-financé de la Bundeswehr… En Allemagne, personne ne peut plus nier les conséquences du déficit d’investissement public, y compris sur l’économie qui se prépare à sa deuxième année de récession en 2024.
A la fin du mois d’octobre, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont de nouveau critiqué l’Allemagne lors de leurs assemblées annuelles. Ils ont reproché au pays de se retenir de dépenser de l’argent pour des raisons légales – en raison de la « règle de la dette », une clause constitutionnelle qui limite l’endettement de l’Etat et des Länder – au détriment de sa propre croissance économique et de celle de l’Europe. « Sans des infrastructures efficaces, il n’y a pas d’économie productive », a souligné Alfred Kammer, responsable européen du FMI, lors d’un entretien avec le Süddeutsche Zeitung, le mardi 29 octobre. « La ‘règle de la dette’ pourrait être assouplie, et le ratio de la dette continuerait néanmoins de diminuer. »
La question de l’investissement public est source de divisions au sein même du gouvernement, opposant les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz au Parti libéral-démocrate dirigé par le ministre des finances, Christian Lindner, fervent défenseur de l’orthodoxie budgétaire. Cependant, elle fait l’objet d’un consensus général non seulement parmi les économistes, mais aussi parmi une part croissante du monde des affaires.
« Endettement ou austérité »
Le BDI, une organisation qui représente les grandes industries, fait un appel ouvert en faveur d’un vaste programme d’investissements publics. En juin, le BDI a estimé qu’il faudrait 400 milliards d’euros sur une période de dix ans pour financer des besoins essentiels tels que les services publics, les routes, les écoles, la décarbonation, le logement, et des technologies comme les semi-conducteurs et les batteries. L’énergie a été toutefois exclue de cette estimation. Selon le BDI, l’Allemagne a, pendant des années, sous-investi dans ces domaines essentiels.
Le BDI critique également l’approche trop simpliste du débat politique. Il note que la question n’est pas simplement un choix entre l’endettement et l’austérité, mais qu’il faut prendre la complexité du sujet.
L’Institut de l’économie allemande de Cologne (IW), également soutenu par deux des plus importantes fédérations d’entreprises du pays, a récemment publié une étude le 28 octobre, dans laquelle il soutient que l’augmentation de la dette publique ne serait pas préjudiciable à l’économie allemande. Selon le IW, dans la mesure où les dépenses améliorent les infrastructures et stimulent la croissance, elles augmentent les impôts et s’auto-financent en partie.
L’institut propose des investissements supplémentaires de l’État allant de 15 à 60 milliards d’euros par an pour les dix prochaines années, ce qui boosterait le PIB de 0,2% à 0,8%. Ces investissements généreraient en retour des recettes publiques de 29 à 114 milliards d’euros sur dix ans. Selon l’IW, la dette publique de l’Allemagne, qui s’élève actuellement à 63% du PIB, augmenterait de 2,2 à 8,9 points après dix ans.
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