Andy Warhol (1928-1987) avait sans conteste une grande dette envers son filmographie, bien que l’artiste lui-même n’ait jamais totalement reconnu ce fait. C’est avec une grande tristesse que nous annonçons le décès de Paul Morrissey, une figure emblématique du cinéma underground, réalisateur et producteur, à l’âge de 86 ans à New York, des suites d’une pneumonie.
Morrissey, né le 23 février 1938 à Manhattan dans une famille de descendance irlandaise, a fait ses études dans des établissements scolaires catholiques avant de servir dans l’armée américaine. Pendant son service en tant que réserviste, le jeune Morrissey déménage à New York et ouvre une petite cinémathèque, l’Exit Gallery, qui diffuse des films underground et les premiers travaux de Brian De Palma. C’est à cette même période qu’il commence à tourner ses premiers films expérimentaux en 16 mm.
C’est en 1965 que Morrissey croise le chemin d’Andy Warhol. Warhol, un artiste de génie, avait également une propension à vampiriser les individus talentueux qui l’entouraient, s’appropriant leurs idées créatives. Ainsi, il est complexe de définir les contributions respectives de Morrissey et Warhol lors de leur collaboration. Mais ce qui reste indéniable, c’est que le talent de Morrissey a été sous-évalué, voire même parfois nié.
À l’âge de 27 ans, Morrissey commence sa carrière comme simple technicien sur le plateau de « My Hustler » (1965), avant de co-réaliser le magnifique « Chelsea Girls » (1966), le premier grand succès du cinéma underground. Le film, d’une durée de plus de trois heures, présente une suite d’action prosaïques observées au Chelsea Hotel. Fascinant et rarement à l’affiche, le film préfigurait la tendance de la téléréalité à venir.
De 1968 à 1972, Paul Morrissey a créé la trilogie Flesh/Trash/Heat – Warhol. Après avoir survécu à une tentative de meurtre, Warhol ne joue plus qu’un rôle de producteur. La série suit le difficile combat d’un gigolo accro à l’héroïne pour survivre dans une New York sombre et non conventionnelle. L’acteur principal, Joe Dallesandro, est un aimant pour la caméra de Morrissey, incarnant sans doute l’une des images les plus sensuelles du cinéma américain. Dallesandro sera également présent dans le film Je t’aime moi non plus (1976) de Serge Gainsbourg.
Morrissey a défini le contour et a élevé le cinéma underground à une autre dimension, en respectant scrupuleusement les principes de la Nouvelle Vague : un budget de 10 000 dollars, film en 16 mm et son direct, tournage en conditions réelles à New York, avec des indications minimales données aux acteurs. La trilogie met en lumière la vie et la corporalité de ceux qui vivent en marge de la société et qui restent rarement visibles dans les productions cinématographiques mainstream. Ce fut le triomphe de Paul Morrissey, lui permettant de sortir de l’ombre de son mentor et de laisser sa marque sur le cinéma des années 1970. Sa vision influença des cinéastes comme Jim Jarmusch et les frères Safdie.
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