La réunion de la francophonie à Villers-Cotterêts (Aisne), qui s’est déroulée les 4 et 5 octobre, a relancé un débat ancien sur le lien entre les langues et les sciences. On affirme souvent que les mathématiques sont à l’abri de ce problème, car leurs écrits ne seraient que de longues séries de formules, supposément universelles et indépendantes de toute langue. C’est méconnaitre un élément fondamental : un document composé uniquement de formules serait incompréhensible pour un individu, donc sans aucune utilité.
Il est vrai qu’en 1910, Alfred North Whitehead et Bertrand Russell ont rédigé Principia Mathematica, une œuvre impressionnante essentiellement composée de formules mathématiques, avec seulement quelques exceptions. La preuve de 1 + 1 = 2 n’est présente qu’à la page 89 du second volume, qui plus est, le premier volume contient déjà 696 pages.
L’une des rares phrases en anglais, une langue naturelle, est celle qui suit cette preuve : « The above proposition is occasionally useful » ( « La proposition précédente est parfois utile »). Une note d’humour typiquement britannique. Mais, je ne connais personne ayant réellement lu ce livre en entier. Pour qu’ils soient intéressants, les textes mathématiques doivent demeurer lisibles, ce qui nécessite une part de sous-entendus et parfois même l’utilisation de termes non définis ou polysémiques que le lecteur peut comprendre dans le contexte.
Représentations visuelles.
Galilée, en 1623, caractérisait les mathématiques comme un véritable langage, essentiel à la compréhension de l’univers. Il soutenait que sans une connaissance de cette langue, caractérisée par des formes géométriques telles que des triangles et des cercles, il serait simplement impossible pour l’homme de comprendre l’univers. Il décrivait toute tentative de comprendre l’univers sans cette connaissance comme une errance sans but dans une obscurité labyrinthique.
L’idée qu’une compréhension visuelle peut soutenir la compréhension est une notion que j’apprécie. Les démonstrations en géométrie, par exemple, sont-elles illustratives du texte, ou le texte est-il censé donner une explication aux formes géométriques ? Il est nécessaire d’intégrer les représentations géométriques dans le raisonnement mathématique, de les élever à une grammaire propre, pour en faire un véritable langage.
Cela a été souhaité par le mathématicien allemand David Hilbert en 1900, mais reste largement à accomplir.
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