Cet événement en direct a également été rendu possible grâce à la participation de Glenn Cloarec, Jean-Philippe Lefief, Grégor Brandy et Marie Pouzadoux.
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Retour sur comment Moscou et Kiev utilisent des drones ?
La lutte de drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint des niveaux sans précédent ces derniers mois. Selon une étude réalisée en mai 2023 par un groupe d’experts britanniques en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois sur le front, soit plus de 300 par jour. Pour mettre en perspective, l’armée française a un peu plus de 3 000 drones dans son arsenal.
Les Ukrainiens et les Russes utilisent principalement des UAV (véhicules aériens non pilotés, en anglais) civils, qui sont bon marché et largement disponibles. Ils sont utiles pour observer le champ de bataille et diriger les troupes ou les tirs d’artillerie ; certains sont improvisés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite jetées sur des tranchées ou des blindés.
Les drones-kamikazes, bien qu’ils soient moins présents, remplissent aussi un rôle essentiel. Équipés d’explosifs, ces appareils sans pilote sont déployés au-dessus du champ de bataille sans directive préétablie. La Russie fait appel à des drones nationaux du type Lancet-3, comme à des Shahed-136, produits en Iran. L’Ukraine, qui ne possède pas de flotte militaire significative, défie l’adversaire avec des vaisseaux maritimes sans pilote, notamment des kayaks miniatures télécommandés et munis de TNT (450 kilos).
La pertinence de ces drones pour les opérations a conduit les forces ukrainiennes et russes à se doter de moyens pour fournir leurs troupes en continu. Ils accomplissent cela non seulement en achetant des drones pour civils en grand nombre sur le marché, mais aussi en développant leurs propres aptitudes de production. L’industrie nationale de l’Ukraine, quoique balbutiante au début de la guerre du Donbass, il y a une dizaine d’années, a depuis gagné en amplitude. Fin août, le ministre de la transformation numérique de l’Ukraine a révélé qu’une réplique du drone Lancet russe avait été conçue et qu’elle serait prochainement mise en service sous le nom de Peroun, en référence au dieu slave de la foudre.
Les sanctions occidentales, qui restreignent son accès aux composants électroniques, mettent la Russie en difficulté. Cependant, selon les services de renseignements américains, Moscou aurait débuté la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga, en vue de produire des drones-kamikazes d’origine iranienne, tels que les Shahed-136.
Qu’en est-il des réserves de missiles russes ?
Il est extrêmement complexe, voire impossible, de connaître exactement l’état des réserves de missiles de l’armée russe. Les services de renseignement ukrainiens fournissent de manière régulière des informations à ce sujet, mais leurs évaluations sont remises en question.
D’après les mots d’Andri Ioussov, le représentant de la Direction du renseignement du ministère de la défense ou GUR, relaté par Liga.net, l’armée de Russie possédait environ 2300 missiles balistiques ou de croisière avant la guerre avec 900 restants en début d’année. Les révélations du porte-parole comprennent en outre plus de dix mille missiles antiaériens S-300, d’une distance d’environ 120 kilomètres, et une série importante de S-400, une variante plus récente avec trois fois plus de distance. Vadym Skibitsky, le second en charge du GUR, avait précédemment annoncé le chiffre de 585 missiles dépassant les 500 kilomètres en août.
Quant à la capacité de production, plusieurs experts estiment qu’elle pourrait atteindre une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. Le GUR projectait cette production à environ 115 unités en octobre.
De plus, la Russie aurait obtenu des missiles de courte portée en provenance d’Iran et de la Corée du Nord, et continuerait d’en acquérir. Reuters, citant diverses sources iraniennes, avance que depuis janvier, 400 missiles iraniens de la série Fateh-110 (300 à 700 kilomètres) auraient été livrés à la suite d’un accord. Le nombre de missiles nord-coréens acquis par la Russie est inconnu, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. D’après les experts qui ont examiné les débris et les trajectoires des missiles, il s’agirait probablement des modèles KN-23 et KN-24 ayant une portée environ 400 kilomètres.
Et les avions de chasse F-16?
En début août, l’Ukraine a accueilli ses premiers F-16, des avions de combat fabriqués aux États-Unis, que Kiev avait sollicité depuis le commencement du conflit. Selon le chef de l’armée, Oleksandr Syrsky, l’exploitation productive de ces aéronefs modernes pourrait sauver la vie de nombreux soldats ukrainiens. De son côté, Ruslan Stefanchuk, le président du Parlement, a exprimé sa satisfaction à la réception de cet avion de guerre qui pourrait significativement renforcer leurs capacités.
Cependant, à la fin du mois d’août, le commandement militaire ukrainien a rapporté le crash d’un de ces avions et la mort de son pilote, lors d’une tentative de repousser une attaque de missiles russes sur tout leur sol, quelques jours plus tôt. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Kiev plaidait constamment pour la fourniture de F-16 fabriqués aux États-Unis. En août 2023, le président américain, Joe Biden, avait approuvé l’installation de ces engins de guerre américains en Ukraine, bien que les États-Unis ne fournissent aucun de leurs propres avions.
D’ici 2028, 95 avions devraient être livrés à Kiev par ses alliés: trente de la Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège, et dix-neuf du Danemark. En outre, la Suède s’est engagée fin mai à envoyer un avion Awacs, crucial pour la collecte d’informations et la coordination d’éventuelles opérations avec des F-16.
En ce qui concerne les pilotes ukrainiens, ils devront recevoir une formation spécifique pour ces avions de combat américains. Onze pays alliés se sont engagés à assurer la formation des pilotes.
Quel est le type d’aide militaire que ses alliés apportent à Kiev?
Après deux années de combat intense, l’appui envers Kiev de la part de l’Ouest semble faiblir, comme le prouvent les aides récemment attribuées, diminuées entre août 2023 et janvier 2024 en comparaison à la même période de l’année antérieure, affirme le dernier rapport de l’Institut Kiel diffusé en février 2024. Selon les perspectives, cette tendance pourrait perdurer, les efforts du Sénat américain pour approuver des aides étant difficiles, et l’Union européenne (UE) ayant du mal à adopter une contribution financière de 50 milliards le 1er février 2024, la Hongrie s’y opposant. Il est important de noter que ces deux lots d’aide n’ont pas encore été intégrés dans le dernier décompte effectué par l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
D’après les chiffres de l’institut allemand, le nombre de contributeurs diminue et se centralise autour d’un groupe de nations : les États-Unis, l’Allemagne, et des pays du nord et de l’est de l’Europe, qui promettent à la fois un soutien financier conséquent et de l’équipement militaire sophistiqué. En somme, depuis février 2022, les nations qui appuient Kiev se sont engagées à apporter au moins 276 milliards d’euros en aide, que ce soit sur le plan militaire, financier ou humanitaire.
Dans un contexte de valeur brute, les pays les plus fortunés ont été les plus généreux. Les États-Unis sont sans conteste les plus grands contributeurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide promise, dont 46,3 milliards en soutien militaire. Les nations de l’Union européenne ont promis des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides partagées provenant des caisses de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.
En tenant compte des contributions en relation avec le produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la hiérarchie se modifie. Les États-Unis sont relégués au vingtième poste, avec 0,32% de leur PIB, se retrouvant derrière des pays voisins de l’Ukraine ou d’ex-républiques soviétiques alliées. L’Estonie se hisse à la première place avec 3,55% de leurs aides par rapport à leur PIB, suivis par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top 5. Les trois États baltes qui partagent une frontière avec la Russie ou l’alliée de celle-ci, la Biélorussie, se démarquent comme les donateurs les plus libéraux depuis l’émergence du conflit.
Concernant le classement basé sur le pourcentage du PIB, la France se place en vingt-septième position, ayant contribué avec 0,07% de son PIB, juste après la Grèce (0,09%). L’assistance apportée par la France a continuellement diminué depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine – la France se trouvait en vingt-quatrième position en avril 2023, et treizième durant l’été 2022.
Que sait-on sur les secousses à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Depuis plusieurs mois, l’Ukraine et la Pologne ont des rapports compliqués, centrés autour du transit de céréales ukrainiennes. Pour faciliter l’évacuation et la vente des produits agricoles ukrainiens en direction de l’Afrique et du Moyen Orient, exempt de taxations douanières, la Commission Européenne a mis en place des « voies solidaires » au printemps 2022. Selon le cercle de réflexion Fondation Farm, qui aborde des questions agricoles globales, environ 50 % du grain Ukrainien transite ou finit son voyage au sein de l’Union Européenne depuis le début de la dispute. Ces céréales sont généralement bien moins chères que le blé Européen, en particulier à l’est du continent.
La Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie ont justifié un blocage unilatéral de leurs importations en Avril 2023, sous prétexte que ces grains perturbaient leur marché local et par extension les revenus de leurs fermiers. Bruxelles a accepté cet embargo à condition qu’il ne gêne pas le transit vers d’autres pays et qu’il dure uniquement quatre mois. Varsovie a néanmoins fait le choix de ne pas rouvrir sa frontière à la fin de l’été, percevant que le problème initial n’avait pas été résolu, tandis que Bruxelles considère que l’embargo n’est plus nécessaire, ses analyses mettant en évidence l’absence de distorsion des marchés nationaux de céréales.
Les agriculteurs de Pologne ont mis en place un blocus à la frontière avec l’Ukraine pour stopper l’entrée des camions ukrainiens dans leur pays, exigeant un « Embargo total » sur les produits ukrainiens liés à l’agriculture et à l’alimentation. Ils protestent face à l’augmentation significative de leurs frais de production tandis que leurs silos et entrepôts débordent et que leurs prix atteignent des niveaux record à la baisse. Le président de l’Ukraine a déclaré au commencement de l’an 2024 que le siège de la frontière polonaise était une preuve de « l’affaiblissement de la solidarité » à son égard, exigeant pour cela une discussion avec la Pologne. « C’est seulement Moscou qui y trouve son bonheur » a-t-il également dit, critiquant « l’apparition de slogans clairement favorables à Poutine ».
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