Catégories: Actualité
|
30 octobre 2024 11 h 49 min

Guerre Ukraine : avancée russe à l’est

Partager

Cet article a été créé en collaboration avec Glenn Cloarec, Jean-Philippe Lefief, Grégor Brandy et Marie Pouzadoux. Notre couverture complète de la guerre en Ukraine, incluant articles, analyses et reportages, est disponible pour lecture.

Passons maintenant à l’actualité. À Kiev, les réactions devant le « plan de victoire » de Zelensky sont mitigées. Par ailleurs, l’annonce d’une possible mobilisation de troupes nord-coréennes accroît les tensions dans la région.

Les dirigeants mondiaux, parmi lesquels Biden, Macron, Scholz et Starmer, sont divisés sur la question d’une possible adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Les détails sont à retrouver sur notre plateforme.

Autre élément important de ce conflit : l’utilisation des messagers russes sur Telegram pour relayer les informations de guerre.

Il faut noter également l’usage intensif de drones par Moscou et Kiev. Selon un rapport britannique de mai 2023, l’Ukraine perdrait chaque mois environ 10 000 de ces appareils sur le front, soit plus de 300 par jour. Ce chiffre peut être mis en perspective avec l’arsenal français qui compte un peu plus de 3 000 drones.

Les forces ukrainiennes et russes recourent principalement à de petits UAV (véhicules aériens sans pilote) civils, qui sont abordables et disponibles en grande quantité. Ils sont généralement employés pour la surveillance du champ de bataille et le guidage des unités ou des tirs d’artillerie. Certains sont même modifiés pour transporter de petites charges explosives, larguées ensuite sur les tranchées ou les véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien que moins nombreux, jouent un rôle clé dans la lutte. Ces appareils à voilure fixe (UAV) sont équipés de charges explosives et sont déployés au-dessus de la ligne de front sans cibles préétablies. La Russie utilise le drone russe Lancet-3 ainsi que le Shahed-136 iranien. Face à une armada navale insuffisante, l’Ukraine riposte avec des dispositifs maritimes non pilotés, des mini-kayaks à commande à distance chargés de 450 kilos d’explosifs.

Valorisant l’importance cruciale des drones dans leurs opérations, les forces ukrainiennes et russes se sont structurées pour maintenir un approvisionnement continu à leurs troupes. En plus d’acheter massivement des drones civils sur le marché, ils ont également mis en place des capacités de production locales. Ayant débuté modestement au commencement de la guerre du Donbass il y a une décennie, l’industrie ukrainienne a depuis augmenté sa puissance. En fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé le développement d’une réplique du drone russe Lancet, qui sera bientôt produite sous le nom de Peroun, une divinité slave du tonnerre.

Handicapée par les sanctions occidentales limitant l’approvisionnement en pièces électroniques, la Russie a plus de difficultés. Cependant, les renseignements américains indiquent que Moscou serait en train de construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga, destinée à la production de drones-kamikazes de design iranien, tels que les Shahed-136.

Quant à l’inventaire des missiles de l’armée russe, il est extrêmement difficile, voire impossible, de connaître leur état actuel. Les services de renseignement ukrainiens donnent régulièrement des informations à ce sujet, mais ces données restent discutables.

D’après les propos rapportés par Liga.net et attribués à Andri Ioussov, le porte-parole de la Direction générale du renseignement du ministère de la Défense (GUR), l’armée russe avait en sa possession environ 2300 missiles balistiques ou de croisière avant le conflit, et plus de 900 étaient encore présents en début d’année. Le porte-parole ajoute que l’arsenal comprend aussi plus de dix mille missiles antiaériens S-300 ayant une portée approximative de 120 km, et un grand nombre de missiles S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième en charge du GUR, avait indiqué que 585 de ces missiles avaient une portée supérieure à 500 km.

Concernant les capacités de production, plusieurs experts estiment qu’elles auraient augmenté pour atteindre une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. En octobre, le GUR évaluait cette production à 115 missiles mensuels.

Il semble également que la Russie a acquis des missiles à courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord et continue de le faire. Selon l’agence Reuters, qui cite plusieurs sources iraniennes, depuis janvier, date à laquelle un accord a été scellé, 400 missiles iraniens Fateh-110 (portée de 300 à 700 kms) auraient été livrés à la Russie. Le nombre de missiles nord-coréens obtenus par la Russie reste inconnu, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général Andriy Kostin. D’après l’analyse des experts suite à l’examen des débris et des trajectories, il semblerait que ces missiles soient probablement des KN-23 et KN-24 avec une portée approximative de 400 km.

Quant aux avions de combat F-16 ?

En début août, l’Ukraine a accueilli ses premiers F-16, des avions militaires américains qu’elle attendait depuis le début du conflit. Oleksandr Syrsky, chef des forces armées, a déclaré que ces avions modernes seraient essentiels pour protéger la vie des soldats ukrainiens. Le président du Parlement, Ruslan Stefanchuk, a également salué l’arrivée de ce chasseur capable d’accroître significativement leurs capacités.

Cependant, le 30 août, le commandement militaire ukrainien a annoncé que l’un de ces avions s’était écrasé lors d’une attaque de missiles russes, entraînant la mort de son pilote. Depuis le lancement de l’invasion russe en février 2022, l’Ukraine avait insisté pour recevoir des F-16 américains. En août 2023, le président américain, Joe Biden, avait approuvé le déploiement de ces avions américains en Ukraine, bien que les États-Unis n’aient fourni aucun de leurs propres avions.

D’ici 2028, Kiev recevra 95 avions promis par ses alliés : trente de Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège et dix-neuf du Danemark. La Suède s’est également engagée, fin mai, à envoyer un avion Awacs, essentiel pour la collecte de renseignements et la coordination d’opérations éventuelles avec des F-16.

En outre, les pilotes ukrainiens nécessitent une formation spécifique pour ces avions de combat américains. Onze pays alliés de l’Ukraine se sont engagés à assumer cette responsabilité de formation.

Quel genre d’aide militaire ses alliés offrent-ils à l’Ukraine ?

Deux années après le commencement de la guerre à grande échelle, l’élan du support occidental à Kiev semble ralentir. Selon le dernier rapport de l’Institut Kiel, publié en février 2024, les nouvelles aides promises ont diminué de août 2023 à janvier 2024 comparé à la même période l’année précédente. Cette tendance pourrait continuer, avec le Sénat américain ayant des difficultés à approuver l’aide, et l’Union européenne (UE) rencontrant des problèmes pour adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison d’un blocage hongrois. Ces deux paquets d’aide ne figurent pas encore dans le dernier bilan de l’Institut Kiel qui s’arrête en janvier 2024.

Les statistiques de l’Institut allemand démontrent que le nombre de donateurs diminue et se recentre autour d’un groupe restreint de pays : les États-Unis, l’Allemagne, les pays du Nord et de l’Est de l’Europe, qui promettent tous à la fois une aide financière élevée et des armes haut de gamme. En tout, depuis février 2022, les pays soutenant Kiev se sont engagés à donner au moins 276 milliards d’euros en aide militaire, financière ou humanitaire.

Dans l’absolu, les pays les plus prospères ont été les plus généreux. Les États-Unis sont de loin les donateurs prinicpaux, ayant annoncé plus de 75 milliards d’euros d’aide, avec 46,3 milliards dédiés à l’aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

En examinant ces contributions par rapport au produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, nous constatons une modification de la hiérarchie. Les États-Unis tombent à la vingtième place (0,32 % de leur PIB), bien en-dessous de certains pays limitrophes de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques alliées. L’Estonie se hisse en première position en termes de contributions par rapport au PIB, avec 3,55 %, suivie de près par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) viennent compléter le top 5. Les trois pays baltes, tous limitrophes avec la Russie ou son partenaire la Biélorussie, figurent parmi les donateurs les plus altruistes depuis le début du conflit.
En ce qui concerne le classement basé sur le pourcentage du PIB, la France est en vingt-septième position, avec seulement 0,07 % de son PIB, juste derrière la Grèce (0,09 %). L’aide apportée par la France a connu une baisse continue depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie — la France occupait le vingt-quatrième rang en avril 2023, et le treizième en été 2022.
Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?

Depuis quelques mois, des tensions ont surgit entre l’Ukraine et la Pologne, centrées principalement sur l’exportation des céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, dans le but d’aider l’Ukraine à vendre ses produits agricoles sur les marchés africains et du Moyen-Orient sans frais de douane, la Commission européenne a mis en place des « corridors de solidarité ».

Néanmoins, la Fondation Farm, un think tank consacré aux problèmes agricoles mondiaux, a rapporté que près de la moitié des céréales ukrainiennes étaient envoyées ou terminaient leur trajet au sein de l’Union européenne (UE). Ces céréales, dont le prix est bien inférieur à celui du blé produit en UE, et particulièrement dans les pays d’Europe centrale, ont suscité des préoccupations.

La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, s’inquiétant de l’impact de ces céréales bon marché sur leur marché local et le revenu de leurs agriculteurs, ont unilatéralement interrompu leurs importations en avril 2023. Bruxelles a donné son consentement à cette mesure, à condition qu’elle ne bloque pas le transit vers d’autres pays et qu’elle ne dure que quatre mois.

Toutefois, la Pologne a maintenu sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, arguant que le problème principal restait sans résolution, tandis que Bruxelles affirmait que l’embargo n’était plus justifié car ses analyses démontraient qu’il n’y avait pas de distorsion des marchés nationaux des céréales.

Les fermiers de Pologne ont mis en œuvre un blocus à la frontière polono-ukrainienne pour interdire l’entrée des camions en provenance d’Ukraine sur leur sol national. Ils demandent spécifiquement un « embargo total » sur les marchandises agricoles et alimentaires venant d’Ukraine. Les manifestants signalent une hausse significative de leurs coûts de production en parallèle d’une saturation des silos et des entrepôts, et d’une baisse des prix. Le président de l’Ukraine percevait début 2024 que le blocus à la frontière polonaise témoignait d’une « dégradation de la solidarité » envers son pays, et a sollicité des pourparlers avec la Pologne. « Seule Moscou apprécie » ces tensions, avait-il déclaré, fustigeant « l’émergence de slogans explicitement pro-Poutine ».