Les entreprises ont adopté le télétravail, le mettant sur un piédestal comme fondement essentiel de l’organisation du travail, une pierre maîtresse de l’évolution des relations professionnelles. Cependant, le véritable débat est ailleurs. La polémique entre le travail en personne et le travail à distance, qui alimente les conflits sociaux actuels comme on peut le voir chez Ubisoft et d’autres entreprises, illustre une mauvaise interprétation de la situation.
Nous nous focalisons sur la distance physique alors que c’est notre relation avec le temps qui est véritablement en jeu. Les tentatives de faire revenir les employés au bureau, en offrant des douceurs gratuites, ne sont pas à la mesure du problème. Le télétravail n’a pas seulement affaibli le lien physique avec l’entreprise, mais a aussi érodé la structure formelle et hiérarchisée du temps de travail.
L’adoption généralisée du télétravail soulève une question importante sur l’autonomie des employés, remettant en cause l’organisation traditionnelle du travail qui reposait sur le contrôle. Cette remise en question conduit nécessairement à réévaluer la gestion du temps de travail, un indicateur de la subordination.
Le temps de travail est considéré comme étant le temps que passe le salarié à la disposition de son employeur, obéissant à ses instructions sans pouvoir s’occuper de ses affaires personnelles. C’est donc l’idée d’un temps de travail objectif et homogène qui cadre notre vie sociale et collective.
Bien que le télétravail ne soit pas une modalité d’organisation du temps de travail, la réalité est là : les contraintes personnelles et les nécessités de la vie sociale, qui étaient auparavant nichées dans les intervalles d’un temps de travail objectif et uniforme, sont venues bousculer ce modèle de temps de travail.
La pratique du télétravail pose principalement la question de l’autogestion du temps pour accomplir ses tâches. Elle a intensifié la fragmentation des rythmes collectifs et a favorisé l’individualisation et la diversification du temps de travail.
Par conséquent, toute discussion sur l’usage du télétravail dans une organisation doit être accompagnée d’une réflexion sur la restructuration du temps de travail pour renforcer l’autonomie. Cela doit également s’appliquer aux employés qui ne sont pas en mesure de recourir au télétravail et se perçoivent alors comme victimes d’injustice.
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